"Mufle", Eric Neuhoff, le roman d'un désamour

Pourquoi vouloir faire d'une femme fatale la sienne et la garder pour soi ? C'est tout le dilemme de Mufle, par lequel Eric Neuhoff, dans une écriture volontiers morcellée, nous fais suivre les réflexions et l'histoire d'un quinquagénaire qui apprend l'adultère et voit sa liaison se déliter.

« Il n'y aurait plus que l'absence »

Deux divorces, des enfants qu'il ne voit plus guère, un appartement, une vie professionnelle, et surtout sa femme, créature magnifique qui fait tourner les tête et se taire les assemblées. Sa passion, sa raison d'être. Et de n'être plus, quand il surprend un SMS coquin adressé en souvenir d'un séjour à Londres à un autre que lui. Dès lors il la surveille, la voit partir dans la salle de bain avec son téléphone, s'y enferme en musique, et lui imagine tout un flot d'amants succombant à ses charmes et ses pulsions à chacun de ses déplacements professionnels de part le monde.

« Une nuit, il rêva qu'il enculait Tom Cruise. Ça n'allait plus du tout. »

Roman d'un désamour, d'une déliaison, ce n'est pas le premier sur le sujet, et on lui préfèrera sans doute La Séparation de Dan Franck, mais ce Mufle a quelque chose de touchant dans la mise à nue du personnage masculin, qui se sait trahit et s'évertue à se regarder choire. Entre la lucidité de la tromperie et la volonté de se maintenir dans l'illusion pour faire comme si (1), Eric Neuhoff met son personnage en face de sa propre lâcheté, sans compromission, et le fait passer par tous les états d'esprits que seuls les amoureux éconduits peuvent comprendre. C'est parfois drôle, souvent cruel, mais toujours faussement annodin, un court roman mais pas un roman léger.


Loïc Di Stefano

(1) On en revient toujours au « je sais bien mais quand même » d'Octave Mannoni (Clé pour l'imaginaire et autres scènes), je sais bien qu'elle me trompe mais quand même ce serait bien si je ne le savais pas ou si elle ne me trompait pas... 


Eric Neuhoff, Mufle, Albin Michel, janvier 2012, 112 pages, 11,90 euros

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