"Les Affreux" consacre l'entrée de Chloé Schmitt en littérature, par la belle et touchante figure d'un gisant

À la suite d'un accident vasculaire cérébral, le narrateur est immobilisé, prisonnier de son propre corps qui n'est plus qu'une gangue morte. Seul fonctionne, et à plein régime même, son esprit qui vagabonde, d'abord sur sa vie, puis, plus généralement, sur la vie, comme si sa position de gisant lui conférait un sens nouveau et un poste d'observation privilégié, malgré tout...


Après l'hospitalisation, c'est le retour à la maison, comme un meuble, sur lequel d'abord tout le monde va venir pleurer, puis qu'on va admettre comme étant là, puis enfin oublier. Oublier même sa connaissance du monde alentour, sa vie. Mais qui sont ces affreux ? Ceux qui vivent sans lui ? Ceux qui parlent de lui comme s'il n'étaient pas là ? Ceux qui on été un moment dans sa vie et qu'il regrettera toujours de n'avoir pas été mieux disposé ? Toute sa vie défile, ses regrets, ses aventures, les petites choses du quotidien, la famille, sa femme.


On pourrait reprocher à la « jeunesse » de Chloé Schmitt d'avoir un style qui ne soit pas en adéquation avec le personnage narrateur de sa propre immobilité, ce hiératisme mi violent mi surfait qu'on pourrait positionner entre Chloé Delaume et Louis-Ferdinand Céline, et qui ne va pas pour incarner un homme simple, contrôleur RAPT, sans engouement particulier pour les turpitudes intellectuelles. 


Hormis ce léger hiatus, le roman est très beau, porté par une langue maîtrisée et portée de bout en bout sur le même rythme, sans moment de répit pour le lecteur qui s'attache à ce gisant improbable comme au point fixe rêvé par les philosophe pour définir le monde.



Loïc Di Stefano


Chloé Schmitt, Les Affreux, Albin Michel, août 2012, 189 pages, 16 euros

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