Joaquim Hock et son « Grand Borborichon » : le spleen joyeux, voire la gaîté mélancolique

S’il y a bien un livre dont on peut dire, sans mentir, qu’il peut être lu avec le même intérêt et un plaisir égal, de sept à soixante-dix-sept ans, c’est bien Le Grand Borborichon et autres coquecigrues, recueil de contes loufoques que Joaquim Hock, jeune auteur Belge, a fait paraître il y a peu aux éditions vendéennes Durand-Peyroles.

Vingt-six contes composent ce volume, vingt-six textes, allant d’une quarantaine de pages pour le plus développé à seulement sept lignes pour le plus concentré. Vingt-six invitations à partir en voyages dans des univers décalés où l’humour et la poésie règnent en maîtres. Parfois, l’absurde et le non-sens prennent le dessus. C’est ainsi que le lecteur est amené à suivre les mésaventures d’un malheureux quidam qui remarque un matin qu’une petite tête humaine est apparue au bout de son gros orteil, d’un autre qui s’est fait greffer une trompe d’éléphant à la place du nez, ou d’un autre, encore, qui ne supporte plus le diplodocus domestique de son voisin.


D’autre fois, c’est la dimension poétique qui prime, comme dans « Reconstruction » où, suite à la catastrophe planétaire dont ils viennent d’être victimes, les habitants d’une bulle de savon décrètent que, désormais, la fabrication d’aiguilles sera interdite !

Ce qui confère toute leur force et tout leur charme aux textes de Joaquim Hock, c’est que, par-delà leur destination affichée et assumée de distraire le lecteur, ils sont également chargés d’une profonde humanité : ils portent sur le monde et sur la condition humaine, un regard à la fois douloureux et pertinent. On constate par exemple qu’un nombre non négligeable de ces contes mettent en scène des pays soumis à des dictatures plus où moins brutales, où la liberté n’est plus guère de mise, soit qu’elle soit confisquée par quelque despote peu éclairé (« L’Étoile », « Les Montagnes », « Discussion avec le professeur Fnück », « L’Attentat »…), soit qu’elle soit réduite à néant par des faits de guerres ou d’invasions (« Dernières pensées », « Les Lapins »).


Et quand ce n’est pas au niveau global que l’oppression se développe, c’est dans la trivialité de leur vie quotidienne que les héros de Joaquim Hock doivent tout mettre en œuvre pour ne pas se laisser écraser par les vilénies de l’existence : résistance contre le patron, le supérieur hiérarchique (« L’Empêchement », « Monsieur Blutwurst », « Monsieur Smisse »…) ou contre la bêtise administrative et institutionnelle (« Le Grand Borborichon »), tout est là pour rappeler, sans cesse, aux hommes que le bonheur est un privilège qui ne s’offre qu’avec parcimonie.


Témoin désabusé de son temps, Joaquim Hock, parfait dans son rôle de clown triste, a le spleen joyeux, voire la gaîté mélancolique et son Grand Borborichon, mélange de douceur et d’amertume, s’ingénie à nous faire passer, de page en page, du sourire aux soupirs.


Précisons que Joaquim Hock, en plus d’être un délicat auteur est aussi un illustrateur talentueux, et il le prouve une fois de plus en mettant, tout au long de son recueil, ses contes en images.

 

Stéphane Beau

 

Joaquim Hock, Le Grand Borborichon et autre coquecigrues, éditions Durand-Peyroles, décembre 2011, 240 p., 19 €

 

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