"Vie et mort de Katie Olson" ou l'art littéraire de la laideur

« Mon sexe me démange. J'ai le poil dru, un peu collé à l'entrée de la vulve. J'y passe souvent le doigt, pour sentir mon odeur. Ça me rassure. Mon sexe ne me sert qu'à uriner. Hormis mon père, personne ne l'a jamais visité. Lui s'est régalé. »

Entre le Pretextat Tach d'Amélie Nothomb (1) et Les Chants de Maldoror de Lautréamont, un court récit qui pousse à l'écœurement le lecteur attentif et dans l'impossibilité de repousser ce bref mais étonnant texte s'impose comme trace résiduel du fait littéraire. Cette brève Vie et mort de Katie Olson de James Garner est de ces ouvrages qui n'entrent pas aisément mais qui ne sortent plus.

Katie Olson est donc en prison, attendant d'être conduite à l'échaffaud, en cellule d'isolement. Pyromane, elle a tué une famille, involontairement, purifiant la nature par le feu alors que ces gens était en camping, l'accident. Mais le feu est la force nécessaire à l'accomplissement pour elle de son acte purificateur, il sourd d'elle, lui brûle les doigts. Le reste, d'ailleurs, n'est que crasse et abandon de soi, que volonté opinîatre d'enfermer sous les couches de vêtements ou de crasse les partie réelles de son corps — sauf les yeux, qui transpercent — et de se protéger. Se protéger de vivre dans le souvenir de son unique amant, son père, quand elle avait quatorze ans… Se protéger des contingences et des marques même de la vie. Elle n'a rien a perdre, n'ayant rien reçu, sauf un ours en peluche, par sa mère, qui ne pouvait le lui refuser et se taire sur les assauts du père. Mais l'ours est interdit de prison, elle mourra sans son seul réconfort ! 

Malgré tout cela, les disgraces, Katie Olson montre une vie presque onirique et pourtant qui se justifie plus que beaucoup d'autres. Elle n'a rien de superflue, juste du vivant, matière inerte mais agissante qui répond à la seule nécessité de perdurer. Et en cela atteint à une dignité rare.

« Je suis une momie entourée de bandelettes puantes. Personne ne peut m'atteindre. Je peux crever qui je veux. Car je suis déjà morte. En sursis. Morte vivante. Katie-Momie. Mon langage c'est le feu. Ma protection c'est la crasse. Je suis sale. Je suis libre. »

Esthétique de la laideur et de la surcharge écœurante, Vie et mort de Katie Olson impose un rythme fait de silences d'écriture et de silences de lecture, tant et si bien qu'à la fin ce n'est qu'étonnement et regret qu'il fut si court, ce très beau texte, ce très bel art littéraire à la laideur d'être encore, de survivre à la vie même. 

Loïc Di Stefano

(1) Qu'on ne m'y reprenne plus, mais Hygiène de l'assasin est sans doute le meilleur (le seul bon ?) roman de la belge prolifique et dont, depuis, rien.



James Garner, Vie et mort de Katie Olson, traduit de l'anglais (USA) par Yannick Gentil, La Dragonne, janvier 2006, 43 pages, 10 € 

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