Don Delillo se demande, avec "L'Homme qui tombe", Quelle peut-être la place de l'humain dans un monde où la réalité est celle du 11-Septembre ?

L'Homme qui tombe, c'est cette petite tache grise qui a fait la Une de tous les média, ce corps jeté du haut du ciel parce que la folie avait gagné sa plus grande bataille. Pour ne pas se laisser hanter par ses images, Keith, survivant de l'inhumain, s'en va et se perd dans le jeu. C'est un isolement d'avec lui-même pour éviter la folie, éviter d'avoir à comprendre ce qui s'est passé, pour ne pas se revoir sali et couvert de chair humaine sanguignolante et dont il faut vivre chaque jour un improbable lendemain… Il doit avancer, et rester auprès de celle qui fait couple avec lui, mais tout est difficile, tout est terriblement impossible à réaliser dans ce monde qui a mis à terre la notion d'humanité.
A travers ce personnage perdu et qui cherche non plus à se trouver mais à disparaître, Don Delillo fait un portrait de l'Amérique sous la pluie et parvient avec une écriture d'une rare beauté à dire le monstre sans en faire tout un spectacle, sans tambours ni trompettes, il suffit d'une bande son qui s'arrête sur l'image improbable d'un homme qui tombe pour démasquer tout l'irréel de cette situation. Confronté à la seule mémoirre, oublieux de tout ce qui fait une Histoire. La mémoire surgit en images et en bribes de conversations, et survit à tout du déshonneur d'être en vie après.
Chroniques d'un âge de déshumanité ? Certes non, car l'art consommé de l'écrivain sauve ce qui peut l'être et montre que tout de l'homme n'est pas périssable. Un très grand roman, peut-être le plus poignant et le plus subtil inspiré du 11-Septembre. Un grand roman, qui inscrit l'humanité dans le temps, qui visualise le monde et le rend par images d'une justesse infinie et d'une simplicité de Proverbe. Un grand roman.
Loïc Di Stefano
Don Delillo, L'Homme qui tombe, traduit de l'Anglais (US) par Marianne Véron, Actes sud, avril 2008, 280 pages, 22 €
0 commentaire