"Bifteck", le roman de boucherie raté, fade, insipide...

André Plomeur naît en Bretagne à la fin du XIXe siècle dans la boucherie de ses parents. Dans cette famille, on est boucher de père en fils depuis des générations. André a la bosse du métier. Toute son éducation sera faite au milieu des côtelettes, des filets mignons, des entrecôtes, etc. Jeaninne lui fait vivre sa première expérience charnelle. André est encore plus doué pour faire « chanter la chair » des femmes que pour s'occuper d'une épaule d'agneau à désosser. Sa réputation d'amant exceptionnel se répand dans tous les alentours et même au-delà. Les femmes se pressent dans la boucherie. Des femmes se morfondant de solitude car la Première guerre mondiale leur a enlevé leurs hommes. C'est jusqu'à la sous-préfète et même la comtesse de Kergaradec qui viendront se mettre dans la file interminable qui s'étire devant la boucherie. Chacune espère décrocher le morceau d'araignée qui signifie qu'André vous a choisie pour vous dispenser ses faveurs. 

Mais arrive ce qui devait arriver : André se retrouve père non pas d'un, non pas de deux, ni de trois mais de sept enfants que les femmes viennent déposer devant la boucherie. André se découvre une nouvelle passion : l'élevage de marmots. Il s'occupe de sa progéniture comme une mère poule, délaissant son travail à la boucherie qui se retrouve vite en faillite. Les hommes rentrés de guerre ont eu vent de l'infidélité de leurs épouses, surtout le sous-préfet qui tentera de faire occire le fruit de l'adultère de sa femme. André décide de s'enfuir pour l'Amérique avec ses enfants.

Tout simplement grotesque

Voilà résumées les quarante premières pages du livre pendant lesquelles on s'amuse. On n'est pas dans le chef d'œuvre mais on se divertit. On est impatient de lire la suite de ce conte et les aventures d'André et les sept bâtards sur les terres d'Amérique. Malheureusement, à partir de là, la fable nourrie aux protéines subit un régime draconien. On perd l'appétit petit à petit. André se transforme en Robinson Crusoë de carnaval – tout simplement grotesque ! - accompagné non pas de Vendredi uniquement mais des sept jours de la semaine. On a le mal de mer pendant les quarante pages qui suivent à bord de ce texte qui a cassé sa quille et qui part complètement à la dérive. Quarante pages pour nous dire comment ils parviennent à se nourrir, quarante pages remplies de clichés. Les enfants pourraient être deux, sept ou douze, cela ne changerait rien. Ils n'existent pas en tant que personnages. Mais, le pire est encore à venir. On passe de l'ennui à l'indigence et même au ridicule dans le dernier tiers du texte. L'épilogue, la morale de la fable nous apprend que les sept enfants d'André sont les créateurs du hamburger auquel ils apportent chacun un ingrédient indispensable à sa composition. Tout ça pour ça. Et, je vous passe ce qui précède.

On est franchement étonné qu'un éditeur aussi respectable que Phébus puisse accepter de publier un texte aussi faible, et qu'il n'ait pas demandé à son auteur de revoir sa copie. « Il y a du Gargantua et du Robinson Crusoé dans ce Bifteck exquis et étonnant, à consommer sans modération! », ose proclamer sans rougir la quatrième de couverture. On cherchera en vain même rien qu'un arrière-goût de Rabelais ou de Defoe dans ce Bifetck avarié.

Mais, on ne peut pas mentir partout et toujours et la couverture aurait dû nous mettre la puce à l'oreille : le hamburger qui y trône semble aussi fade, insipide, peu appétissant et indigeste que la prose de Martin Provost.

Un texte totalement désincarné : un comble quand on a pour titre Bifteck.

Philippe Menestret

Martin Provost, Bifteck, Phébus, août 2010, 126 pages, 11 € 

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