"Au pays des kangourous" - Un enfant face à la dépression parentale

Après Papa et Maman sont morts et surtout Autobiographie d’une courgette, Gilles Paris revient avec un nouveau roman où il reprend son thème de prédilection, celui de l’enfance. A travers le regard de Simon, neuf ans, il raconte l’absence de la mère, la dépression du père, les difficultés des adultes à faire face mais aussi tous les petits bonheurs que seul un enfant peut apprécier.

Simon habite avenue Paul-Doumer avec son père Paul, ghostwriter au service de célébrités, incapable d’écrire pour son propre compte, et Carole, sa mère, une femme d’affaires qui passe sa vie en Australie loin d’un mari qu’elle n’admire plus et d’un enfant qu’elle ne sait pas aimer. Le couple n’en est plus un depuis longtemps et les disputes se font de plus en plus nombreuses du moins quand Carole est là. Mais tout dérape le jour où Simon retrouve son père dans le lave-vaisselle. Un gris sombre a remplacé dans ses yeux, le vert couleur de feuille. Petit à petit, Simon voit son père s’enfoncer dans la dépression, une maladie qu’il ne comprend pas. Son quotidien est encore plus bouleversé quand Paul est interné. Il est alors recueilli par sa grand-mère Lola, une femme fantasque qui organise tous les samedis soirs des séances de spiritisme avec ses copines « les sorcières » et qui l’emmène à la foire du Trône voir monsieur Fortuné pour qui, elle a le béguin. Et puis il y a aussi Lily, une enfant autiste aux yeux violets, figure fantomatique dans les couloirs blancs de l’hôpital, résolue à lui offrir son aide. Grâce à l’amour de Lily, Simon va tâcher à travers des songes qu’il s’invente de comprendre la maladie de son père et toucher une vérité que l’on croyait indicible.

« L’innocence est la meilleure défense de l’enfant »  Lao She

Gilles Paris a donc une nouvelle fois décidé de montrer le monde des adultes à travers le regard d’un enfant dont l’innocence et le questionnement simple remettent en perspective celui des adultes. Un processus qui permet d’atteindre les fêlures des plus grands à travers le questionnement des plus jeunes. La dépression est présentée comme un homme qui a pris possession du père de Simon et qui le vampirise de l’intérieur et le pousse au pire. Dans un monde pas toujours compréhensible et qui lui fait peur, Simon se réfugie à chacune de ses visites à Sainte-Anne auprès de Lily qui lui explique la maladie, les remèdes et lui fait découvrir l’amour. Des discussions fraîches qui mettent des mots simples sur des choses compliquées. Une fraîcheur que l’on retrouve dans les réflexes simples d’un enfant de neuf ans à qui la mère manque : « Le métier de maman, c’est de voyager en Australie. Elle est directrice de marketing chez Danone. Oui, le yaourt. Alors quand je suis triste et que maman me manque, je vide six yaourts à la pêche, lentement, à la petite cuillère, et je l’imagine chevauchant un kangourou dans le bush. » Du haut de ses neuf ans, Simon s’accroche à tout ce qui le lie à l’enfance : les monstres sous le lit, l’existence du père noël du moins jusqu’à ses huit ans et même Lily, qui porte le prénom qu’aurait porté sa sœur si il en avait eu une. Cette dernière semble apparaître à chaque fois que Simon la cherche. Elle, elle fuit les adultes car elle en a peur. Pour une petite fille autiste, ses réflexions sont particulièrement justes. En tout cas, on en vient à se demander si Lily, qui disparaît quand le père de Simon sort enfin de l’hôpital, n’est tout simplement pas une vision que Simon s’est crée pour supporter la situation. Une régression qui est un peu lassante à certains moments et tape sur les nerfs, peut être justement parce que l’on est trop adulte.

Si le personnage de Simon est intéressant quoique parfois exaspérant, les personnages secondaires donnent du piquant à l’histoire. Lola, grand- mère excentrique, porte des robes de toutes les couleurs, connaît tous les commerçants du quartier, a un chauffeur qui s’appelle Raoul, une mamie pleine de vie mais qui ne veut plus entendre parler de celui dont il ne faut pas prononcer le nom, le grand-père de Simon. Il y a aussi Eglantine, Rose, Violette et Patricia, les amies « sorcières » de Lola avec qui elle parle aux morts. Et aussi Fortuné qui ressemble à Monsieur propre, un ancien fiancé de Lola qui la fait rougir quand il l’embrasse. Tout un petit monde qui entoure Simon et lui offre un répit au milieu de toute cette situation dramatique.

Au pays des kangourous nous offre une vision différente du monde adulte, une vision plus innocente et simple de choses qui nous paraissent compliqués. Une façon de relativiser. Le nouveau roman de Gilles Paris laisse songeur lorsque la dernière page se tourne et laisse un léger goût de regret, celui d’une innocence perdue, d’une capacité à s’échapper du quotidien.

Julie Lecanu


Gilles Paris, Au pays des kangourous, Don Quichotte, Janvier 2012, 249 pages, 18 euros.

Sur le même thème

1 commentaire

un roman très touchant