Jean-Marie Blas de Roblès, "Là ou les tigres sont chez eux" : une inventivité inouïe

Là où les tigres sont chez eux est à coup sûr le roman le plus surprenant de l’année 2008. Tout ce qui accompagne ce livre est hors norme : sa pagination : presque 800 pages, le nombre des refus qu’il occasionna : innombrables ; son temps d’écriture: une dizaine d’années plus autant pour le faire publier ; son succès : impressionnant pour un roman aussi ambitieux. Le nombre de prix qu’il obtint : trois. Pour le moment.


Le buzz en sa faveur : depuis le printemps 2008, libraires et journalistes se sont enflammés à la lecture de cette œuvre baroque. L’engouement critique et public : rare. L’histoire enfin  ou plutôt les six histoires mêlées qui le composent, au début sans grand rapport les unes avec les autres avant de se rejoindre très vite en un maelström époustouflant.

L’un de ces récits se déroulant au dix septième siècle, narrant les aventures d’un encyclopédiste Athanase kircher constitue le fil rouge du roman.


Ce philosophe, mathématicien, médecin, théologien, déchiffreur (selon ses dires) des hiéroglyphes, inventeur entre autres de l’orgue à chats, de l’interphone ou de la lanterne magique…. peu avare d’idées mais qui se trompa sur tout ou presque fait l’objet d’une biographie que doit décrypter quatre siècles plus tard Eleazar Von Vogau, un journaliste plutôt désabusé habitant au fin fond de la jungle brésilienne.


Le texte écrit par Caspar Schott le disciple de Kircher fourmille de détails vrais et faux sur les pérégrinations des deux hommes dans l’Europe du début des Lumières que Kircher a ratées avec une belle constance comme le reste d’ailleurs.

Von Vogau s’attelle à la tâche avec courage et quelques arrières pensées, essayant à la fois de comprendre l’esprit aussi tortueux que fécond de Kircher et le sens de sa vie dans un Brésil si contrasté.


En effet, son existence est complexe : sa femme Elaine l’a quitté et est partie avec un groupe d’archéologues à la recherche de fossiles. Sa fille Moéma vit des éxperiences de toutes sortes loin de lui. S‘ajoutent une belle Italienne, un consul plus que corrompu, dont le fils fait partie de l’expédition d’Elaine, une belle Italienne tombée dans le repaire de Vogau par hasard, quelques troubles personnages se disant de la CIA, un jeune Brésilien infirme qui veut se venger, une tribu indigène qui parle latin et toujours Kircher auquel un chapitre sur deux est consacré.


Tous les ingrédients d’un roman d’aventures sont réunis, mais là où les tigres sont chez eux est surtout une quête éperdue. Quête du sens, quête des origines, roman global, aventure humaine extrême.

Tous les personnages se cherchent à travers des projets fous qui n’ont aucune chance de se réaliser à l’instar de ceux de Kircher.

La construction romanesque est d’une inventivité inouïe pour rassembler autant de personnages, autant d’histoires différentes dans l’espace et le temps en un opéra foisonnant et fascinant.


Brigit Bontour


Jean-Marie Blas de Roblès,  Là ou les tigres sont chez eux,  Editions Zulma 2008,  774 p.- 24,90 euros

 

Lire l'entretien de Jean-Marie Blas de Roblès.

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