"Pour seul cortège", le grand roman de Laurent Gaudé sur Alexandre le Grand

Reprenant le personnage qu'il avait déjà investi au théâtre avec succès dans Le Tigre bleu de l'Euphrate (1), Laurent Gaudé nous plonge dans une histoire cruelle et magnifique, celle du dernier voyage   d'Alexandre le Grand, son voyage des morts...

Alexandre est souffrant, épuisé par les campagnes incessantes de conquêtes il souffre d'un mal intérieur, qui le ronge aussi fort que sa soif d'horizons nouveaux. Mais aussi fort puisse-t-il lutter, Alexandre meurt, et avec lui l'Empire qui cesse dès aussitôt d'être uni. Que vont faire les généraux ? qui va hériter ? que vont devenir les anciennes alliances ?

"Que vivront-ils de plus maintenant qu'il est mort ?"

La dépouille d'Alexandre est un enjeu majeur, aussi est-il décidé de la renvoyer à sa mère patrie. Mais l'enjeu est trop important pour les anciens amis qui s’entre-tuent maintenant. Le convoi est attaqué... Pourtant, une femme va s'opposer de toute sa prestance, c'est Dryptéis, fille de Darius et veuve d’ Héphaistion, qui a abandonné son fils pour mener à bien sa dernière mission : escorter l'âme de celui qui lui a pris tout ce qui faisait sens à sa vie. Les âmes se parlent. Et une voix jaillit des limites du mondes et s'avance vers le cortège, portée par une puissance magique incontrôlable : elle est le désir absolue d'Alexandre, son messager secret, le sens de sa vie, et elle revient l'accompagner pour son ultime expédition, son dernier combat.

Si Pour seul cortège commence un peu lentement - il faut tout mettre en place, toutes les voix éparpillées dans le royaume et qui vont coïncider dans cette ultime épopée -, il est porté par une langue véritablement épique, une écriture faites de poésie et d'élans oniriques où la légende du vivant Alexandre est estompée par la sagesse de son âme, comme si enfin elle était apaisée, comme s'il avait fallu mourir pour réaliser ce rêve d'absolu qui fut le sien. Un très beau roman où l'on sent Laurent Gaudé heureux d'écrire une danse des morts à plusieurs voix qui, se faisant écho, accompagnent la dernière chevauchée du conquérant, au delà de l'Hyphase, au delà du monde connu. Pour dernière légende !

Loïc Di Stefano

Laurent Gaudé, Pour seul cortège, Actes sud, "domaine français", août 2012, 186 pages, 18 euros

(1) Laurent Gaudé, Le Tigre bleu de l'Euphrate, Actes sud, "Papiers", août 2002, 8,70 euros

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