"La dernière ronde" d'Ilf-Eddine ou La diagonale du fou

Toute activité - sportive ou culturelle - qui se réalise à travers le prisme de l’exclusive laisse souvent à penser que son interprète n’est pas loin des marécages de la folie. La passion n’ayant aucune limite, se donner corps et âme au tennis, à la peinture ou aux échecs suscite des suspicions. Sauf à être sportif d’Etat en URSS, ce que fut le narrateur de ce premier roman emballant qui vous prend par la main à la première ligne et vous entraîne dans un tourbillon au fil des rondes. 


Le vieil homme est au crépuscule de sa vie mais il n’a jamais renoncé. Lui l’élève surdoué qui échoua aux portes du titre de champion du monde, obligé de seconder Karpov au lieu de jouer le titre, finit par quitter la Russie à l’époque de la Perestroïka pour aller s’installer dans le sud de la France. Désormais entraîneur, il succombe une dernière fois aux sirènes d’un tournoi international qui sélectionne les sept candidats potentiels susceptibles d’affronter le champion du monde en titre.


Après un début assez facile, une défaite impromptue réveille l’angoisse mais il parvient à se reprendre pour aller jusqu’à la dernière ronde ; celle qui va déterminer sa position finale dans le tournoi. Il ne lui manque qu’un demi-point, une partie nulle suffira...


Construit en cercles concentriques qui s’étirent comme des ronds dans l’eau, s’espaçant dans l’atténuation du temps et de la distance, les pensées du joueur remontent le temps, entre les parties et/ou entre les coups, selon l’élément déclencheur qui ravive sa mémoire... Habillement montée, cette biographie imaginaire nous offre un paysage rare en nous faisant entrer dans les arcanes du monde professionnel des échecs. Techniques et tactiques encadrent les moments forts de la vie soviétique d’un apparatchik et nous offrent une lecture agréable en nous apprenant quelques bases élémentaires...
Roman didactique donc mais roman sentimental aussi, une âme slave l’enveloppe d’une aura qui lui confère une belle musique.


François Xavier


Ilf-Eddine, La dernière ronde, Tunis, Elysad, avril 2011, 195 p. - 17,90 €

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