Nathalie Démoulin et La Grande bleue : un livre pour la mémoire !

Une rentrée littéraire en compagnie de Nathalie, c’est autrement bon ! Et je ne fais pas de pub pour un fromage. Après le jambon d’Angot (lien) la coupe est pleine ! Dire qu’il y a encore des fats pour lui trouver du talent, alors qu’elle n’écrit pas, comme elle l’avoue elle-même sur les ondes : elle fait un livre. Elle nous fait perdre notre temps, oui ! Par contre, Nathalie Démoulin, je l’attendais avec impatience depuis Ton nom argentin (Rouergue, 2007). Cinq années, faut vraiment que je sois accros. Mais diable que j’ai eu raison. Elle nous entraîne à la fin des années 1960. Moi, la nostalgique des yéyés. Psychédélique je suis, je me trémousse à la moindre musique lancée sur les platines. Tiens, voyez, j’emploie un mot désuet : qui se souvient encore des tourne-disques à l’époque de cette saleté d’iPod ? Par contre, en France-Comté, en 1967, il y avait une lycéenne, Marie, qui tomba amoureuse d’un bûcheron. Ils sont jeunes, ils sont beaux. Ils sentent la résine et s’aiment comme à sait en perdre la raison à cet âge ingrat. Ils se marient, les ânes. Deux ans plus tard, Marie n’a que vingt ans. Vingt ans ! Adieu rêves d’une vie à soi. Adieu souhaits de ne pas ressembler à maman. Avec deux gosses sur les bras ce sera direction le HLM. Et le mari les chaînes de montage de Peugeot en guise de forêt. Les voilà tous les deux ouvriers, quel destin magique ! La routine s’installe et dans un claquement de doigts nous sommes en 1981…

 

Mitterrand va s’installer à l’Elysée et Marie divorce. Direction le sud de la France, dans une communauté de hippies qui sentent bon l’utopie. Mais comme rien ne semble devoir lui sourire, ce sera l’usine. Chez Myrys, dans l’Aude. Il n’y a pas de sots métiers. Que des sottes gens…

 

On se demande parfois comment ces gens-là, justement, font. Pour ne pas se flinguer au plus vite. Qu’est-ce que cette vie ? Comment peut-on accepter cela ? Pour bien nous faire comprendre que tout n’est pas rose pour tout le monde, Nathalie Démoulin, par chapitre d’une année (1967 à 1978), déroule ces dix années de vie de m… Représentant son époque et sa condition, Marie apprendra à ses dépends que les idéaux de 1968 étaient justes bons à fleurir dans les journaux. Au quotidien, c’est autrement.

 

Roman d’une vie que Nathalie Démoulin tisse remarquablement. Grand écart entre l’histoire du monde et la vie intime des protagonistes. Portraits saignants : Marie mais surtout son frère, Ivan, détruit par la guerre d’Algérie qui ira noircir les rangs du FN. Point de nostalgie ici. C’est un roman historique, sociétal, à l’écriture ciselée. Un livre pour la mémoire. Celle bien plus proche qu’on ne le croit. Surtout qu’elle risque de se rejouer quand on voit les usines qui ferment les unes après les autres.

 

Annabelle Hautecontre

 

Nathalie Démoulin, La Grande bleue, Rouergue, août 2012, coll. "la brune", 208 pages, 18,80 €

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1 commentaire

j'ai commencé à le lire mais je n'ai pas trop accroché aux 50 premières pages... peut être devrais je persévérer.