"La boutique de la seconde chance" de Michel Zadoorian- So kitch

Richard dit «Chiffo» est un passionné de vieilleries, un chasseur d’objets écumant les ventes de succession, les brocantes, les vide-greniers, les marchés aux puces et autres foires à tout afin de dénicher des objets du quotidien dont on ne veut plus et leur redonner une seconde vie dans sa boutique de Détroit. On y trouve de tout : boules à neige, chaises vintage, chemises de bowling, articles publicitaires des années 50 et bien d’autres trésors hétéroclites. Chiner est pour lui un véritable art de vivre, une mission quasi d’utilité publique : il veut donner la possibilité à ses clients de reconquérir une partie de leur vie en leur proposant des objets composant leur histoire personnelle. Sa vie est donc heureuse et bien réglée entre les ventes de succession et sa boutique. Mais tout va se dérégler lorsque, à l’occasion de la mort de sa mère, il découvre une maison pleine de souvenirs et de photographies dont il ignorait l’existence. Un bouleversement qui va s’accentuer avec la rencontre de Theresa, une «déesse de la fripe », aussi cabossée que les objets qu’il aime récupérer et remettre en état.

 

Après Le Cherche-bonheur où Michel Zadoorian livrait l’histoire d’un couple se lançant à la conquête du bonheur après soixante ans de mariage, La boutique de la seconde chance est un roman tendre et émouvant s’appuyant sur des personnages aussi kitchs que les objets de la boutique en question. Ces personnages sont façonnés par leur vécu et leurs peurs et s’offrent ou se voient offrir une seconde chance. Les parents de Chiffo d’abord, dont il découvre l’autre vie, celle d’avant sa naissance, une vie sans responsabilité où son père vivait sa passion de la photographie. Un choc d’autant plus violent qu’il découvre des nues de sa mère dont le plus récent a été pris l’année même de la mort de son père  (découvrir sa mère nue est déjà traumatisant, alors sa mère nue et âgée, je vous laisse imaginer). Et puis il y a Theresa, une femme faite pour Chiffo, une déesse de la fripe adorant chiner lorsque son travail à la SPA du coin lui en laisse le temps et l’énergie. Un travail qui la casse et l’use un peu plus chaque jour, la laissant comme une poupée désarticulée. Un challenge pour Chiffo, le réparateur d’objets usés. En l’aidant, en donnant une seconde chance à cette femme et à la passion de son père, Chiffo va lui-même s’octroyer une nouvelle vie. Un récit émouvant où nous suivons pas à pas notre narrateur à travers des chapitres courts où chaque expérience ou théorie nous fait avancer vers un nouvel état. Un coup, on rit, un coup on pleure et malheureusement aussi, parfois on s’ennuie au cœur des brocantes. Quelques longueurs donc, un rythme narratif parfois trop lent mais l’on ressort toutefois de cette lecture avec un sourire vague aux lèvres, heureux de savoir que les objets, comme les hommes, ont le droit à une seconde chance.

 

Julie Lecanu

 

Michel Zadoorian, La boutique de la seconde chance, traduit de l’anglais par Jean-François Merle, Fleuve noir, septembre 2012, 312 pages, 18,90 euros.

 

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