Christian Bobin, L’Homme-joie : La poésie de l’émerveillement

Il est en dehors du calendrier, sans être hors du temps. Christian Bobin se moque pas mal de la rentrée littéraire. Un heureux hasard le fait sortir en cet automne gris. Christian Bobin, c’est tout à la foi le sens de la poésie et une foi tout à la fois rude et flamboyante. Soucieux de rester à l’écart des modes et des modèles, il signe un nouveau livre dans la même veine, particulièrement réussi.

 

L’homme-joie n’est ni un roman, ni un essai, peut-être le récit des jours qui passent et des émerveillements du poète ; « Il n’y a pas de jour où je ne reçoive une leçon merveilleusement éprouvante ». Il visite les peintures de Pierre Soulages au musée Fabre, à Montpellier, il nous parle des pensionnaires qu’il rencontre quand il visite ses proches à la maison de retraite, il nous raconte la nature, la forêt, la musique de Glenn Gould… Et il répond aussi à ceux qui le trouveraient trop mièvre : il faut se méfier de la trompeuse facilité de ses textes fluides, limpides, lumineux. L’écrivain travaille, forge ses mots, martèle les résonances avec patience. Bobin n’est pas un naïf, ni un gentil poète. Il connaît les épreuves, les doutes, les sombres traversées… Et il le confesse : « Si mes phrases sourient, c’est parce qu’elles sortent du noir. »

 

Ce livre est aussi un bel objet, avec la reproduction de phrases manuscrites et même un « carnet bleu » en fac-similé, inséré au milieu du livre, un petit carnet adressé à La plus que vive, la femme aimée, trop tôt disparue qui fut le sujet d’un livre il y a bien longtemps déjà. Christian Bobin écrit avec de grandes lettres qu’il trace – j’ai presque envie de dire qu’il peint - avec un gros feutre noir… En lisière de forêt, non loin du Creusot, assis à sa petite table de bois et regardant par la fenêtre, il voit le monde et nous en restitue comme un écho… Et voilà que ses mots résonnent en nous : « C’est être poète que de regarder la vie et la mort en face, et réveiller les étoiles dans le néant des cœurs. »

 

Christophe Henning

 

Christian Bobin, L’Homme-joie, Éditions de l’Iconoclaste, août 2012, 192 pages, 17 €

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