Ornella Vorpsi et son Ci-gît l’amour fou nous parle du coeur.

Tamar préfère observer l’amour. Car elle est une sage. Aimer à la folie égale la folie. Elle sera la spectatrice. Elle nous racontera tout. Nous rapportera les personnages d’un drôle de théâtre fiévreux. Elle sera invisible. Jamais en place. Plutôt chez la voisine, Maria, que chez elle. Il faut dire qu’elle a de nombreux fils, la voisine. Tous plus ombrageux. Régis par un code silencieux. Portés par l’aura d’un seul. Dolfi le magnifique. Le merveilleux. D’ailleurs les femmes se pâment littéralement devant lui. Hantent les ruelles autour de la maison. Se ridiculisent dans des crises d’hystérie s’il ne porte pas son regard sur elles. L’amour est une douleur. Une plaie purulente que Tamar consigne. Elle sait trop ces choses-là, monsieur, pour ne pas y sombrer corps et âme.


Alors elle se contente d’être son ange gardien. Elle l’assiste dans son calvaire. Car Dolfi porte une croix que bien peu devine sous son mutisme. Et les passades ne sont plus de son fait. Il aspire à mieux. Aimerait-il Tamar sans s’en rendre compte ? Mais la mort d’une soupirante ne lui laisse point le loisir de se questionner plus longtemps… Et Tamar focalise son attention sur le destin de la défunte. Jouant aussi à ne plus refouler les souvenirs de son défunt frère. Jusqu’à atteindre un état second où s’emboîtent toutes les pièces du puzzle.


Ouvrant la boîte de Pandore, Ornela Vorpsi nous renvoie à nos fantômes. Une part de Tamar dormirait en chacun de nous. Naufragée, comme vous et moi, après le cataclysme d’une passion. Comment survivre après l’incandescence ? Comment recouvrer goût à la vie quand tout est froid ? Marcher sur les cendres en étant amputé. Porter le fardeau du désintérêt. Se pencher trop près du précipice. Se dire que les portes de la folie s’entrouvrent. Et que franchir le Rubicon pourrait s’avérer jouissif…


Annabelle Hautecontre


Ornella Vorpsi, Ci-gît l’amour fou, traduit de l’italien par Nathalie Bauer, Actes Sud, octobre 2012, 190 p. – 18,50 €

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