Les visages de Dieu : Mallock sur les traces du Maquilleur

28 décembre, 3 h 20 du matin. Le téléphone du commissaire Mallock sonne. Il est appelé sur les lieux d’un crime. Jusqu’ici, rien d’étonnant, c’est son métier. Mais cette nouvelle affaire sent mauvais : le tueur, ou les tueurs, a frappé au moins six fois, le commissaire en charge de l’enquête n’a pas l’ombre d’une piste et la totalité de l’affaire a été mise sous embargo… Bref, on refile le bébé au commissaire Amédée Mallock, dit Mallock-le-sorcier, Dédé-le-devin, Mallock-le-Roc, en espérant qu’il fasse des miracles. Il se lance alors sur la piste de celui que l’on a surnommé « le maquilleur » parce qu’il maquille ses victimes tel un artiste transformant les scènes de crime en œuvre d’art macabre. Notre commissaire est perplexe : l’extrême cruauté et l’originalité des crimes, l’identité des victimes que seule leur beauté semble lier,  font de ce tueur un cas à part. Sa surprise va grandissante quand il apprend que le FBI est sur la trace du tueur depuis 50 ans ! Le fort Mallock va faire face à un meurtrier, peintre de l’enfer.

 

Les visages de Dieu est le premier roman de Jean-Denis Bruet-Ferreol paru pour la première fois en 1999. Pour cette réédition, l’auteur a décidé de prendre le nom de son commissaire et surtout d’étoffer son récit de quelques 150 pages afin de développer l’aspect théologique de l’enquête. S’appuyant sur le concept « de rédemption et de réversibilité », le tueur iconoclaste détruit les corps pour fabriquer de pieuses icônes, recherchant le pardon de tous à travers la souffrance de chacun. Une énigme particulièrement sophistiquée dans laquelle le lecteur plonge à la fois avec délectation et horreur. D’autant que rapidement, l’on se doute que le tueur évolue à proximité du commissaire mais tout comme lui, nous n’apprenons son identité que dans les dernières pages de ce thriller, qui, à mon avis, est un des meilleurs parus dernièrement.

 

Au-delà de l’intrigue, le personnage de Mallock participe à plonger le lecteur dans l’enquête : défini comme un être mi- ours, mi-commissaire, Mallock est loin du stéréotype du commissaire, aussi bourru soit-il. Hanté par la mort de son fils, victime lui-aussi d’un tueur, notre commissaire est un être attachant aux méthodes peu conventionnelles. Si l’enquête lui a été confié en dernier ressort, c’est parce qu’il est capable de faire des miracles que personne n’arrive à expliquer- sauf le lecteur qui est plongé dans son intimité. Ayant recours à l’opium, à un cigare et à un verre de whisky, Mallock plonge dans la conscience du tueur par l’intermédiaire de visions qui lui auraient valu l’asile en d’autres temps. Mieux vaut avoir le cœur bien accroché car les descriptions des scènes de crime ne nous sont pas épargnées. Cependant il ne s’agit pas pour l’auteur de décrire l’horreur pour l’horreur car chaque scène nous est décrite presque comme une œuvre d’art participant à l’esthétisme de ce thriller. L’auteur montre ainsi l’étendue de son art car Jean-Denis Bruet-Ferreol n’est pas seulement romancier mais aussi un musicien et un artiste ayant exposé entre autre au Grand Palais. Il a d’ailleurs lui-même conçu la couverture dont l’esthétisme devrait attirer le regard sur les étales des libraires.

 

Les chroniques barbares portent donc bien leur nom et les visages de Dieu fait suite à un premier opus, Le massacre des Innocents. Au total, la série devrait compter sept tomes nous permettant de voir évoluer les personnages sur une vingtaine d’année. Une œuvre donc ambitieuse qui s’annonce sous les meilleurs auspices.

 

Julie Lecanu

 

 

Mallock (Jean-Denis Bruet-Ferreol), Les visages de Dieu - tome 1 :  Les chroniques barbares,  JBZ & cie, décembre 2010, 365 pages, 22 euros.

 

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