Joël Houssin : Eloge des balles nucléaires dans un cimetière éclairé

Pour ceux qui n'auraient pas suivi la cavale sanglante du monsieur, un rappel. En 1981, le Fleuve Noir se cherchait de nouveaux auteurs pour coller aux bouleversements cataclysmiques d'une société qui lui échappait. Repérant la prose vertueuse et science-fictionnesque d'un certain Houssin, le Fleuve le contact et passe une commande pour un seul polar, on n'est jamais trop prudent, qui enrichirait la célèbre et feue collection Spécial Police.
L’époque était aux photocopies des thrillers à la Higgins Clark, des flics en imper, des médecins ou scientifiques plongés dans les filets de fous destructeurs de l’humanité et qui gagnaient toujours à la fin.
La main empalmeuse d’un sorcier venait de jeter les dés. Houssin, au fait des tombereaux de copies mettant en scène des policiers et autres commissaires toujours enquêteurs sur d’horribles et indicibles crimes, imagina tourner le miroir. Il créa un personnage qui se débattrait du mauvais côté de la loi. En fait de loi, ce serait la sienne. Celle du Dobermann.
Le premier opus, Le Dobermann américain, coll. « Spécial
police » (no 1617) explose au visage de ses lecteurs de gare. Dans les trains
de banlieue, dans les rames du métropolitain, le quidam amateur de romans
policiers et nourrit au biberon du héros rédempteur découvre l’existence d’un certain Yann
Lepentrec , de son gang, et de seconds rôles dignes des meilleurs films de Jean
Pierre Melville.
On joue dans la cour des grands. C’est du pour adultes. On ne rigole plus. De la littérature populaire, mon gars, et qui cogne.
Mais l’histoire, c’est quoi ?
C’est une virée barje de quatre ou cinq fondus accompagnés d’une déesse gitane, tous gangsters de leur état, qui écument la France. C’est leur inévitable confrontation avec les forces de police. Le tout sur fond d’un monde en déliquescence et qui l’ignore encore.
Houssin annonce en 1981 l’émergence d’une nouvelle forme de gangstérisme. Celle que nos médias découvrent en 2013 : des gamins armés qui s’en foutent la mort, attaquent tout ce qui contient de l’oseille fraiche, sous toutes ses formes. La joncaille et l’or change de main
Avec Houssin, ça dépote ! Très vite, Fleuve Noir écoule son premier Dob. Et en commande trois autres. La société s’empare du phénomène. Dans les geôles françaises on s’arrache les bouquins. Les vrais durs enchristés pour vingt piges et candidats à l’évasion plébiscitent le Dobermann. Qui sera aussitôt interdit suite à un arrêté de l'état français.
Parque le démiurge Houssin ne se contente pas d’injecter de la nitroglycérine dans le monde du polar français : son acide s’attaque au système d’une société aliénante. L’insurrection c’est maintenant au bout du 357 Magnum du Dob.

La ribambelle de méchants qui croisent la ligne de tir de Yann Lepentrec n’a rien de reluisante : flic marron ou totalement frappadinguess, politiciens vendus, et bons français à l’héritage collaborationniste, pègre sans aucune morale. Tout comme le Dob, fils digne héritier d’une société perdue, qui ne respecte aucune règle, surtout pas celles du milieu qu'il considère comme un parasite du système. Le Dob contrôle son gang. Mais le commissaire Christini a une mission : faire tomber, ou, s’il oubliait son serment de flic, buter cet ennemi public numéro 1. Tout ça finira mal. Pas loin de la Porte de Clignancourt, ou aux alentours...
Une vingtaine de Dobermann. Un million d’exemplaires vendus à travers le monde.
Thierry Brun
Joël Houssin, Doberman, L'intégrale, volume 1, Ring Éditions, coll. "Ring noir", mai 2013, 250 pages, 24 €
1 commentaire
Joël Houssin est aussi un auteur de science-fiction dont je recommande "Blue", "Les vautours" et "le temps du twist" (c'est en partie grâce à lui que j'ai découvert Led Zeppelin!!!).