David Vann : La famille, cet enfer...

Il arrive que la famille se révèle le premier cercle de l’enfer sur cette Terre où l’on se retrouve jeté sans raison particulière – et sans l’avoir demandé le moins du monde... Prix Médicis étranger 2010 pour Sukkwan Island (inspiré par le suicide de son père James en 1980, alors qu’il avait 14 ans), David Vann poursuit sa douloureuse exploration autobiographique et familiale avec un nouvel opus pétrifiant...

 

Il était une (mauvaise) fois une grande maison perdue parmi les noyers, quelque part sous l’accablement d’un soleil californien qui brille pour rien. Dedans, il y a Galen, un puceau de 22 ans nourri de théories New Age, seul avec une mère oppressante. Parfois, il y a la visite à sa riche grand-mère à la mémoire défaillante – et puis il y a les visites intéressées de sa tante et de Jennifer, sa provocante cousine qui le met dans tous ses états… Réfugié dans la méditation, Galen lit Le Prophète de Khalil Gibran (1883-1931) pour se détacher de la famille et de ce monde d’illusions. Il tente d’ « aligner son aura » avec qui il peut – car enfin, se voulant débordant d’amour il aspire au Bien au Beau au Vrai...

Mais chez eux, « le problème venait des hommes » - à commencer par son grand-père, « la source tous les maux de la famille », ce manieur d’outils dont le souvenir demeurait imbibé d’une odeur de vinasse…D’ailleurs, c’est quoi au juste, un humain ? « Pas d’âme, pas de transcendance, pas de vie passée, rien que des animaux ayant appris des tours plus intelligents »… Tout ça pour quoi ? Pour se reproduire sans raison ?  « Si seulement il pouvait exister un moyen de vomir sa famille, de ne plus jamais les avoir en lui »…


Mais pourquoi sa mère et sa grand-mère s’obstinaient-elles chaque fois à remettre ce monde-là debout, comme si de rien n’était ? « Pourquoi ne pas le laisser tomber en morceaux et rester en morceaux, pourquoi ne pas laisser libre cours à la vérité ? ». Nul doute, tout ça va très mal finir – l’horreur est au bout du voyage autour d’une maison…Au-delà de la folie familiale, David Vann interpelle tout à la fois l’envers d’un « rêve américain » qui fait mourir à petit feu ou parfois sans sommation, la férocité d’une société du tout-à-l’ego sans âme ni conscience humaine, la « part d’ombre » d’une culture ultraconsumériste et la dérive d’une espèce que rien ne peut sauver du désastre qu’elle persiste à s’infliger à la surface de cette Terre infestée de vies sans lendemain….

 

Michel Loetscher

 

David Vann, Impurs, éditions Gallmeister, mars 2013, 288 p., 23,10 € 

 

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