Paul Sanda, de bois, d’os et de chair
Sans l’aimée, ses broussailles, ses failles Sandra n’aurait pas imaginé sa vie aussi embrasée et « fagots-cités ». Pour la chanter il esquive les platitudes d’usage et les images trop tendres du sentimentalisme calqué sur les décombres nostalgiques. Ici la chair existe. Pour l’ouvrir ou la faire saillir le poète - guidé par Laure Carion - a donc choisi la matière primitive, sourde la plus vivante. Elle répond à son identique chez l’aimée :
« Ô dire à ton bois que je te veux
Te mord te fantôme
Te bouleverse, te retouche ».
Le bois cannibalise comme il « ensaigne » le poète. Ses fibres obligent à penser que les paradis n’existent pas seulement lorsqu’ils se perdent. Et lorsque les heures de vol et de bourlingue permettent à Sanda de faire retour sur ce qui a été vécu, il trouve le "growl" nécessaire pour métamorphoser le bois en chair selon une des magies verbales dont il a le secret (rappelons qu’il reste le seul des surréalistes du temps).
Dans ses « Psaumes » et par retour la chair devient elle-même bois. Celui dont on fait les navires au long cours et les lits (lorsqu’ils ne sont pas de mort). Le bois pousse ainsi dans l’océan de l’existence, il en devient la proue. Encore faut-il que deux « morceaux » choisis pour la créer se marient. Lorsque l’emboistement réussi, il ne peut plus pourrir ou se déformer. Rien ne peut le faire retourner à la terre ferme sauf à trouver une flaque assez grande où il pourrait mouiller. Pour l’heure il traverse la houle en 17 caresses. Ce bois flotté demeure « l’impensable plaisir » aussi dur qu’imputrescible. Mais il se fait élastique dans l’Y de la cheminée de fée. En son ouverture, lorsque bois de proue et bois humide s’unissent s’ouvre le pays de fossettes, caprices et plaisirs où tout est permis.
Jean-Paul Gavard-Perret
Paul Sanda, Dix-sept Psaumes de Proue de Joues & de Beauté, photos de Laure Carion, (trilingue français, anglais, russe), Editions Rafael de Surtis, Cordes sur Ciel, 50 pages, 17 €
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