Nadia Gilard : Condensation des fragments amoureux

 Il existe dans la reprise du sentiment amoureux (son passé, son présent, ses lames de fonds et ses ondes)  tel que Nadia Gilard le développe une condensation et une extrapolation. Son impact demeure le noyau à partir de quoi s’élabore et rayonne le réseau de récurrences progressives. Elles tissent le texte et l’être à leur essence vitale. En dépit de ses douleurs la locutrice retrouve un état de sérénité supérieure. Moins que les restes d’un chaos demeure par fragments la structure de son moi plus organisé que défait. Si rien n’est tû de la douleur,  la femme amoureuse trouve néanmoins une sorte sinon de liberté du moins de sens assumé et revendiqué.


 Par sa lecture seconde du réel de l’amour, l’écriture devient première par décantation et exacerbation. Duras n’est pas loin. Chez elle l’amour laissait désemparé à la tombée de la nuit  comme au lever du jour. A l’inverse chez Nadia Gilard il permet - malgré tout -  l’accès à la vie scintillante et  à une dynamique interne. « Alice… ? » (Si Alice il y a …) a donc su traverser le miroir narcissique pour transposer le vécu possiblement traumatique en expérience avènementielle. La mélancolie qui ne ferait que clôturer l’être sur son propre chagrin est soudain écartée. Le  modelage formel finit par avoir raison du passé. Qu’il ait fuit ne représente plus une expérience traumatique mais donne une énergie à un livre de  plénitude que certains pourront trouver paradoxale. L’écriture renforce non seulement la volonté au métier de vivre mais laisse éclater un sentiment supérieur d’exister. Seul(e)s pourront le comprendre celles et ceux qui font de l’amour leur priorité.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Nadia Gilard, « Alice… ? », Editions des Vanneaux, 2014, Bordeaux, 12 €.

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