Jean-Pierre Faye : changer le monde
La légende (inventée) est
dans l’œuvre de Faye comme la viande dans l’argile. Elle demeure sans bouger,
elle tressaille dans l’immobilité. Tout est clos et pourtant tout éclate selon
diverses techniques. Il y a des estuaires, des bras de mer, des monticules terrestres, l’ensemble est en quête de
passages selon d’immenses embrasures et autant de tortures dont la femme est la
principale victime, le « modèle » absolu. Faye montre comment en indique
clairement les directions « politiques » qui régissent depuis
toujours de tels massacres. Ce texte est
sans doute le plus fort de Faye car d’une certaine manière il lui échappe et le
conduit où rien ne se pense. Tout avance selon un voyage intérieur qui descelle
les pliures ou les conserve lorsque cela est indispensable. L’écriture « amoureuse »
réveille, elle engage en ouvrant des portes et sans donner de leçons sinon
celle qu’une femme dédoublée offre à corps presque défendant. Nous entendons à travers ces
« spectrales » une multiplicité de voix. Et qu’importe si nous
restons sourds. L’œuvre n’attend pas, elle scrute l’horreur en ses
« recollections », ses pénétrations de la fiction par elle-même. Elle
laisse toujours chez Faye passer la lumière D’une moins partiellement. Taches
rouges, enchevêtrements de bleu nourrissent
l’image de ressemblances indéchiffrables entre terreur et extase. De
fait le monde est là en illuminations intempestives. Néanmoins l’horreur règne en
maître en plan fixe comme en tohu-bohu. Une fois de plus cette réédition rappelle
que Faye s’impose dans ces auteurs
majeurs capables de dire la nuit et le jour du monde, le passage du déchet à
l’éclat. Dans l’immobile et la furie tout se montre par bribes là où la fiction
devient le chant le plus terrible et le plus orphique.
Jean-Paul Gavard-Perret
Jean-Pierre Faye, Didjla le tigre, (Bonus DVD : texte lu par Bérangère Bonvoisin), éditions Notes de Nuits, Paris, 21 E.150 p.
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