Il est où le bonheur ?
Le Plongeoir
Certaines maisons d’édition numérique, comme Amazon et tant d’autres, décident parfois de remonter le cours du temps et de faire passer un de leurs romans de la tablette vers la librairie traditionnelle. Ne nous y trompons pas, la conversion vers le papier est toujours une promotion. C’est le signe que le public s’est laissé séduire par un récit, publié sans tambour ni trompette, mais qui a gagné un lectorat par le bouche à oreille. Voilà ce qui est arrivé au Plongeoir, le premier roman de Gilles Maugenest, compositeur pour le cinéma, la télé, le théâtre, et qui a sauté, le temps d’un livre, de la musique à la littérature.
Ce n’est donc pas un hasard si Le Plongeoir est pensé comme un crescendo. Le lecteur découvre les premières pages presque sotto voce : le narrateur lui confiant ses petits tracas avec la vie, avec les filles, avec ses parents. Rien de très noir pour l’instant. Mais, sans qu’on n'y prenne garde, voici déjà le mezzo forte : Marseille, ses quartiers nord, ses racailles, sa milice. Et le crescendo se poursuivra jusqu’aux dernières pages, bouleversantes, où l’introspection cédera sa place aux questions – très concrètes cette fois ! – de vie et de mort.
Le Plongeoir est un roman clair-obscur. Noir, mais à la fois plein de poésie. Il hésite toujours entre le récit psychologique et le polar pur et dur, où règnent la précarité, le racisme, la soif de vengeance, le meurtre. L’époque elle-même semble brouiller les pistes. L’auteur plonge ses personnages dans un décor composé d’éléments disparates, puisés dans plusieurs décennies. Des portables, déjà, mais encore des lettres que les amoureux s’envoient par la poste, des téléphones publics dans les gares.
C’est dans cette fin de siècle incertaine, à Marseille, que deux destins se croisent : celui d’un jeune Croate, qui a fui la guerre des Balkans avec son père, et celui d’Aristide, un garçon bien comme il faut… trop comme il faut. Tous deux sont en quête du bonheur et espèrent le trouver en échappant à leur destin. Mais tout le poids du déterminisme social, cher à Zola, pèse sur eux. Sans doute alors n’est-il pas si facile de sauter du haut du plongeoir. Les personnages y tutoient le point critique de la dernière décision, au-delà de laquelle nul ne peut plus revenir en arrière…
Le Plongeoir
de Gilles Maugenest
14 euros
NL Editions, pour la version papier
(Numeriklivres)
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