La justice de l'ancillaire, un space opera distrayant


Une nouvelle venue


Auteur jusqu’ici inconnue du public français, Ann Leckie a, après être passée par des ateliers d’écriture, d’abord commencé par publier à partir de 2005 quelques nouvelles dans des magazines de science-fiction. Puis en 2013, elle publie son premier roman, La justice de l’ancillaire, premier volume d’une trilogie de space opera qui remporte un certain succès public avant d’entamer le grand chelem des prix : prix Hugo 2014, Nebula 2013, Locus 2014, le prix Arthur C.Clarke 2014… N’en jetez plus ! Il est temps donc de se pencher sur ce livre et de comprendre les ressorts de cette réussite.


Il était une fois…


Dans un lointain futur, l’empire Radchaaï a pris peu à peu le contrôle d’une grande partie de la galaxie. L’empire dispose d’une flotte de vaisseaux commandées par des IA et transportant des esclaves humains dont la conscience humaine a été détruite-les ancillaires-, qui a grandement contribué à son succès. Mais quelque chose commence à clocher dans l’Empire Rachaaï : l’expansion a été arrêtée suite à un traité de paix avec une espèce extraterrestre. Plus grave, une station orbitale a été détruite suite à une mutinerie. Sur une planète, un humain en sauve un autre gelé, un ancien officier nommé Seivarden. Sa sauveuse n’est autre qu’un ancillaire, refuge de la conscience d’une IA de vaisseau, le Justice de Toren, détruit dix-neuf ans plus tôt. Cet ancillaire n’a qu’un but : se venger du maître de l’empire Radchaaï, Anaander Miannaaï, responsable de la destruction du Justice de Toren vingt ans plus tôt. Mais voilà, Miannaaï est lui-même déchiré par un conflit intérieur (schizophrénie ?) qui menace jusqu’à la stabilité de l’Empire…


Perplexité, efficacité mais peu d'originalité


Sans être original, La justice de l’ancillaire rassemble plusieurs éléments qui expliquent son succès :  nous avons là une civilisation 
militaire, violente, hiérarchisée, égalitaire au niveau du genre (d’où une absence de différenciation dans la narration, on y reviendra), les Radchaaï, utilisant des intelligences artificielles qui finissent par acquérir des émotions.  Nous avons une IA qui ressent donc des émotions, dont la douleur et en vient à éprouver un désir de vengeance vis-à-vis de son créateur, le maître de l’empire Radchaaï, qui a tenté de la détruire. Que demande le peuple de plus?


Déjà d’y comprendre quelque chose. Ann Leckie est allé au bout de son idée de non-différenciation des genres et écrit en privilégiant le genre féminin. Traduit en français, on ne sait pas au début qui sont les personnages… On regrette que le neutre ne soit pas (plus) un genre en français car le lecteur lambda (sans doute victime de préjugés machistes, que les progressistes me pardonnent) patauge un peu dans la semoule. Passé ce moment d’égarement, on a affaire à un space opera assez solide (quid de la suite ?) mais on se pose la question suivante : pourquoi tant de prix ???  Si l’intrigue est bien construite et concentre suffisamment de thèmes pour intéresser, rien pour le moment de très original dans l’hypothèse de départ du livre qui puisse laisser présager d’un chef d’œuvre (à l’égal, allez, de Dune, le critique a bu). On lira cependant le second tome pour mieux comprendre ce qu’Ann Leckie a en tête…

 

Sylvain Bonnet

 

Ann Leckie, La justice de l’ancillaire, traduit de l’anglais (États-Unis) par Patrick Marcel, J’ai lu collection « nouveaux millénaires », septembre 2015, 440 pages, 20 €

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