Cabossé, un premier essai réussi

Quand le cinéaste devient romancier

 

Réalisateur de cinéma (Lullaby en 2010, le dessin animé Mune en 2015), Benoit Philippon signe ici son premier roman, un polar, d’où sa publication dans la Série noire dirigée par Aurélien Masson. Que raconte donc Cabossé ? Rien qu’une rencontre improbable entre blessés de la vie, semble-t-on dire à la sortie du livre. Pas que ça en tout cas…

 

La bête et la belle

 

Roy n’a jamais eu de chance. Il est né à Clermont, après un accouchement difficile, a grandi dans une famille qu’un travailleur social qualifierait de dysfonctionnelle : un père violent, une mère trop douce et une petite sœur adorable qui mourra jeune, au grand désespoir de son grand frère… Roy a une tronche horrible et n’a que peu de succès avec les femmes. Si son physique de brute lui assure de l’emploi du côté du Milieu, il est difficile à caser côté matrimonial… Jusqu’à sa rencontre sur une appli rencontre avec Guillemette : elle, c’est la bonne, tant d’un point de vue sexuel que sentimental. Quand son ex, Xavier, rapplique, assez rancunier envers Guillemette, Roy devine la violence passée du gars… et le tue. C’est le début d’une cavale pour nos deux héros, nouveaux Bonnie & Clyde, dans une France peuplés de ploucs et de gens paumés et abîmés par la vie…

 

De la gouaille

 

Cabossé, disons-le pour poser le décor, c’est un croisement entre Tarantino et Audiard ! L’intrigue n’est qu’un prétexte pour une peinture désespérée de la France, tempérée par une langue très imagée, très inspirée de bien des parlers « populaires ». On pense sinon à Céline et au moins à Pierre Siniac : son cycle de Luj’Inferman (j'envie les jeunes lecteurs qui auront toute la joie de le découvrir) était aussi fait de cette langue argotique qui réjouit le palais et l’esprit. C’est ici la grande qualité de Cabossé dont l’intrigue est tiré par les cheveux, au bénéfice d’une vision d’une monde noire et « hénaurme » (encore une fois, on pense à Siniac). Pour un premier roman, c’est osé. Espérons que les autres (il y en aura, soyons-en sûrs) seront à la hauteur de ce premier essai.

 

 

 

Sylvain Bonnet

 

Benoit Philippon, Cabossé, Gallimard Série noire, septembre 2016, 272 pages, 18 €

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