Inchallah : L'Apocalypse selon Oriane Fallaci

Dans un roman de guerre publié en 1990, Oriana Fallaci raconte le départ en catastrophe des militaires italiens envoyés par l'ONU au Liban lors de la guerre civile. Plus que de religion, le titre fait référence au destin, celui qui fait qu'un obus tombe là-bas et non à tel autre endroit.

L'auteur sait très bien de quoi elle parle : correspondante de guerre au Vietnam, Liban, Hongrie, Koweït (entre autre), elle a côtoyé la mort de près. Ce qu'elle décrit ce n'est donc pas du flanc.

Dans ce texte au titre provocateur, bourré d'énergie, de fureur, d'humanité et d'ironie, Oriana Fallaci a mis toute sa détestation de la guerre et son amour pour ses victimes et la vie.

Inspiré d'un évènement dramatique survenu en 1983 au Liban, l'attentat du Drakkar,  l'auteur plonge le lecteur dans les affres du contingent italien de la Force Multinationale d'interposition. Avec une centaine de personnages, se déploie sous nos yeux une fresque haute en couleur : la perpétuation de luttes fratricides, ici sous couvert de religions.

Le récit est précis, s'attachant à décrire chaque personnage avec une obsession du détail. La ville est une forme de Babel, un concentré d'histoires, de l'Histoire, d'hommes et de femmes, d'amour et de violence. Dans ce texte la ville a moins d'importance que les chars et les chiens qui se disputent la rue.

Résolument pessimiste, Oriana Fallaci ne met pas ses idées sous un mouchoir. Dans son livre, les lignes de fractures religieuses ne sont que des prétextes politiques. Elles permettent aux "infâmes" de mener des rackets, corrompre, détruire un pays pour mieux en contrôler les règles et au final s'enrichir.

Reporter prolifique, ayant écrit au Corriere della Sera, Le Nouvel Observateur, Der Stern, Life, Look, New York Times Magazine, le Washington Post, The New Republic, elle n'économise pas ses coups.

Ses phrases sont répétitives à dessein, elles vous bercent puis vous déchire le coeur.  Les mots d'Origan Fallaci sont comme des balles tirées à bout portant. Le texte est violent, il vous malmène, vous essore, vous noie. C'est aussi qu'il y a tant de mots à employer pour décrire ce chaudron qu'elle n'en veut oublier aucun. Indubitablement il y a du Tom Wolfe dans ce texte de près d'un millier de pages.

Thomas Sandorf

Oriana Fallaci, Inchallah, traduit de l'italien par Victor France, Gallimard (Folio, 3 juin 1994), 872 pages, 14,88€

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