La disparition de Stephanie Mailer.

Orphea est une station balnéaire des Hamptons, prisée des New Yorkais en mal de tranquillité. Tout y est plaisant. Dans les rues paisibles, se succèdent un café branché, des boutiques tendance, une merveilleuse librairie tenue par un homme charmant.

Le festival de théâtre qui fait accourir en juillet une foule de gens cultivés, est devenu peu à peu, un évènement d’envergure.

Et si vingt ans plus tôt, le meurtre du maire, de sa famille et d’une passante est venu troubler la quiétude de la petite ville, le meurtrier a été confondu, le calme est vite revenu.

C’est dans cette atmosphère que Jesse Rosenberg, l’un des policiers qui a bouclé l’enquête d’alors, participe à la réception donnée en l’honneur de son départ en retraite. Encore jeune, il a décidé d’ouvrir un nouveau chapitre de sa vie.

La suite sera bien différente : une reporter inconnue, Stephanie Mailer qui s’est incrustée à la fête, lui déclare que son coéquipier et lui n’ont pas résolu l’affaire en 1994, qu’ils n’ont pas vu la réponse juste sous leurs yeux.

Perplexe, il ressort le dossier, alors que tombe l’information de la disparition de la journaliste qui enquêtait de son côté. Celle-ci travaillait pour l’Orphea Chronicle, dirigé par un certain Michael Bird et s’intéressait de près au festival de théâtre.

Très vite, Jesse Rosenberg, son collègue, Anna, une nouvelle recrue et lui-même reprennent les investigations selon le prisme de la personnalité de Stephanie, retrouvée morte. Au fil des recherches, ils vont s’apercevoir que la bourgade idyllique cache des secrets peu reluisants, des trafics sombres et qu’ils étaient bien passés à côté de la vérité.

L’ancien directeur de la police, devenu auteur dramatique controversé, un critique théâtral imbu de sa personne, un rédacteur en chef d’une revue littéraire, un ancien malfrat, une call girl, à présent respectable, une adolescente paumée vont être soupçonnés. Dans le même temps, d’autres crimes ont lieu. La sensation de psychose gagne les habitants, un message mystérieux, La nuit noire, court dans la ville.

De fausses pistes en vrais rebondissements, Joël Dicker s’amuse à égarer son lecteur qui imagine en chaque personnage mis en lumière, le meurtrier. En vain. Le vrai coupable est jusqu’à la fin du livre insoupçonnable, perdu dans un écheveau de situations inextricables.

Comme toujours chez l’auteur, les pires turpitudes se déroulent dans un décor de rêve (l’île de Long Island, une région qu’il connaît bien) ; le coupable, présent depuis le début n’est jamais suspecté ; le suspens est relancé à chaque page et surtout le plaisir du lecteur est intact. Rien de plus délectable pour l’amateur de roman policier que de se laisser balader puis de revenir au point de départ, avant de repartir sur une autre (fausse) piste.

Enfant de son époque, Joël Dicker a bien compris la mécanique des séries actuelles (Le mot série n’étant que le nom moderne de feuilleton, un genre inauguré au XIX ème siècle). Ce mélange entre noirceur et paradis, nervosité de la narration et douceur des paysages fait tout le charme des romans de l’auteur qui avec son quatrième roman ajoute une partition à sa petite musique opiniâtre.

Le succès programmé de la disparition de Stephanie Mailer est remarquable à plus d’un titre. D’une part, il ancre définitivement le romancier dans le paysage littéraire, lui qui fut si critiqué lors de la parution de La vérité sur l’affaire Harry Quebert en 2012. Ce livre récompensé par le Grand prix de l’Académie Française sera adapté en série par Jean-Jacques Annaud en avril 2018.

D’autre part, il est publié par Bernard de Fallois, immense éditeur disparu en janvier, découvreur de Joël Dicker qui s’offre ainsi un magnifique et ultime succès posthume.

Brigit Bontour

Joël Dicker, La Disparition de Stephanie Mailerde Fallois, février 2018, 638 p., 23 

 

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