Une famille très française.

Charlotte Prieur,  à seize ans se cherche : elle déteste son physique, aux courbes démodées, ses cheveux qui frisent. Elle qui se trouve « aussi gracieuse qu’une bouteille de perrier » rêve d’avoir la minceur et la blondeur de son amie Jane Duchesnais. Elle aimerait avoir une famille comme la sienne, avec une mère élégante, Marie-Christine  qui porte si bien les perles et le foulard de soie, un père, charismatique et assuré. Non qu’elle soit en conflit avec ses proches, bien au contraire, mais elle trouve Marcelle, sa mère juive un peu envahissante, sa grand-mère illettrée venue du Maroc, trop voyante avec ses expressions imagées et ses caftans informes.
Quant à son père, Paul, ce médecin humaniste, son héros, elle l’adore mais elle souhaiterait comme de nombreux ados, être unique  tout en se fondant dans une norme rassurante.

Chez Jane, tout l’éblouit, des murs couleur « beurre frais » et non pas « blanc crème » à son frère, le brillant Gabriel. Elle passe beaucoup de temps avec eux, malgré les impairs : ne connaissant pas la signification du sacrement, elle communie à la messe.
Elle est fascinée par leur mode de vie.  En grand-bourgeois qu’ils sont, ils l’apprécient, même s’ils ne comprennent rien aux fêtes juives, surtout quand Paul en rajoute, en invente une nouvelle, particulièrement alambiquée. Et ce, jusqu’au jour où Bernard, le père de Jane se fait un peu insistant et provoque un accident dont il rend la jeune fille complice.

Son existence, prise entre deux univers bascule. Il lui faudra beaucoup de temps pour s’apercevoir que les Duchesnais sont loin d’être exempts de défauts, que l’amour de Gabriel, la jalousie de Jane sont plus complexes que de simples émois de jeunesse ; qu’au final la vie familiale avec ses parents parfois négligés et ses gâteaux trop sucrés lui apporte la tendresse et sécurité dont elle a besoin, loin du chic trompeur de cette famille.

Dans son deuxième roman, Maëlle Guillaud décrit le choc de la rencontre entre deux tribus que tout oppose.
Une famille très française est aussi et surtout un  livre sur la construction de l’identité, la loyauté : comment, faute de posséder les codes de la bourgeoisie, une jeune fille pour se faire accepter en arrive un temps à renier les siens, avant que les non-dits, soient révélés, que le drame éclate ?
Avec beaucoup de subtilité, de sensibilité, l’auteur interroge un moment de l’adolescence entre fascination pour l’apparence, importance du regard des autres et fierté d’e devenir soi-même avec son histoire et ses particularités aussi difficiles à assumer soient-elles. 
 

Brigit Bontour

Maëlle Guillaud, Une famille très française, Editions Héloïse d’Ormesson, avril 2018, 208 p.-, 17 euros

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