Valéry Molet écrivain (presque) réaliste

Valérie Molet possède dans ses nouvelles, son roman et plus généralement sa poétique une capacité de lutiner l'espoir à la sauce piquante.
Il y a là d'étranges parentèles, des histoires à mourir debout à force de suivre des femmes qui ne sont pas forcément les bonnes ou celles dont les fins du moi sont difficiles à suivre.

La mère est prise pour une amante, et u,ne amante pour mère, si bien qu'il existe des troubles dans la civilisation des tours d'HLM ou lors de vacances barbares  : des femmes se renfrognent et sont prêtes à se crêper le chignon lorsqu'elles rentrent en concurrence notoire eu égard aux narrateurs.
Il faut dire qu'ils les cherchent : n’importe qui, n’importe quand, n’importe comment. Comme s'il fallait que le corps exultât. Et de fait c'est bien le cas. D'autant que ça fait du bien par où ça passe - ou ne passe pas. La femme est la tête (mais pas que) de pont où converge les itinéraires de personnages semblables et frères de Valéry au destin compliqué et qui s'est inventé une seconde vie.

Il est vrai que la peau des égéries notoires ou non vaut bien mieux que les plus belles journées au soleil. Ce qui n'empêche pas de désespérer un peu. Car certains des héros de ses textes, à avoir trop de cordes à leur arc, il arrive parfois à n'en rester qu'un. Elle tend au bord du rien ou de gouffre. Mais l'auteur possède la capacité de rire de tout et la faculté de rendre le réel le plus quotidien vivant.
Il anime son monde même auprès d'une mégère qui n'a pour seule passion amoureuse le Christ et sa Pologne natale. Molet sait la décrire de manière comique comme tout ce qui s'offre à son regard et à l'air pollué. Il soulève les cheveux de celle qui l'accompagne en même temps que son passé. Et soudain le réel tournoie et s'esclaffe.

Ces nouvelles et ce roman sont à la démesure de l'étroite enveloppe des lieux où elles et il se passe. Et voici le résultat. Seul l'esprit - du moins ce qu'il en reste - rayonne cruel. L’amour s’accorde avec le déshonneur. Les narrateurs ont beau penser aujourd’hui à ne pas penser qu'ils pensent (donc à celles qui les écrasent), ils savent que le diable se tient moins dans les détails qu'en eux-mêmes.
Doivent-ils disparaître et s'effacer ? Ce n'est pas forcément la peine. Les faits sont têtus et finalement les envoient paître en asile psychiatrique ou ailleurs. Qui donc ne pourrait pas s'y reconnaître ? Il y a là la douleur, le plaisir ou quelque chose qui ne peut pas toujours se nommer. Quelque chose que les gens donnent quand ils s'aiment. Jusqu'à l’injure, au parjure,  au suicide. "Laisse" dit une voix. 

Nul besoin de protester. Et d'acquiescer pas plus. A chaque jour suffit sa peine. Il suffit de savoir se retenir. Ou abandonner comme ça. Sur un coup de tête. Par force ou lassitude. Pour la sérénité de l'âme. Par peur. De quelqu’une encore. Comme si l’amour n’avait pour amantes que des ennemies. Enfin presque.

Jean-Paul Gavard-Perret

Valéry Molet, Le noeud du pendu, éditions L'Echappée Belle, 2018, 10 euros
Valéry Molet, La Pâture des vers, La P'tite Hélène éditions, 2018, 18 euros

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