Les bons sentiments font-ils un bon roman ?

Sabratha, sur la côte libyenne, les migrants attendent. Chochana, une Nigériane, Semhar, une Érythréenne et Dima, une Syrienne. Les deux premières sont pauvres. Elles ont erré pendant des mois avant d’atteindre la mer. La Syrienne est plus à l’aise. Habillée avec élégance avec son mari et leurs deux fillettes. On est le 16 juillet 2014, tout ce petit monde va appareiller pour Lampedusa.

Donc pour pouvoir être sur la liste du Goncourt, il faut aller dans le sens commun. Philippe Muray aurait adoré… Marie Darrieussecq épouse, elle aussi, la même idée. Après la Shoah les migrants : l’Homme se lamente toujours sur quelque chose. Se flagelle. Temps béni du repenti…
Voilà qu’aujourd’hui il faut accueillir. Tout le monde, tout le temps. Personne ne réfléchit plus loin que la proue du navire. Car au-delà de ce bateau, qu’avons-nous ? Des hordes de jeunes hommes venus profiter. Ces migrants sont à plus de 80% des parasites économiques. Pour endormir les foules, entre les discours larmoyants et bisounours des politiciens, ONG et autres défenseurs des droits de l’Homme, voilà le petit monde culturel qui s’y met. On aborde le sujet de manière légère et jouant d’images fortes. Rien de mieux pour forcer l’émotion à remplacer la réflexion…

Ainsi, plutôt que de se projeter sur ce que serait une Europe livrée aux flux migratoires, Louis-Philippe Dalembert peint un portrait de femmes. Sur leur embarcation de fortune, les trois protagonistes vont vivre une traversée apocalyptique. Faut bien dérouter le lecteur. Inspiré par les clandestins sauvés par le pétrolier danois Torm Lotte durant l’été 2014, Louis-Philippe Dalembert, nous montre l’autre côté. Comme si on ne le connaissait pas. Quand aurons-nous Le camp des saints réactualisé ? Afin d’avoir un authentique débat sur les conditions de la migration et la conception politique de l’exil. Car si l'exil politique est une évidence, l'exil économique est un suicide. L'Europe ne peut pas accueillir toute la misère du monde.

Annabelle Hautecontre

Louis-Philippe Dalembert, Mur Méditerranée, Sabine Wespieser éditeur, août 2019, 336 p.-, 22 €

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