Martin Mongin : fantôme que fantôme

Dans ce faux thriller politique tout est fait pour manipuler le lecteur. Et sous le nom-titre de son héros, Martin Mongin crée une mécanique fictionnelle à l'huile de ricin. Ce qui ne promet en rien une purge. Bien au contraire.

D'autant que l'auteur est ambitieux. Il casse la nature conventionnelle de la fiction où, selon les théoricien du roman, la voix du romancier serait celle d'un  dieu omniscient. Si une divinitité narratrice existe, elle se transforme ici en 11 voix et autant de chapitres.

Voix n'est d'ailleurs pas le bon mot : il convient mieux de parler de documents constitutifs à l'élaboration d'un personnage à la fois despotique et fantomatique, venu de nulle part et y retournant là où la fiction s'amuse à brouiller les frontières du genre.

Annoncé à grand renfort d'affichage le héros repartira au sein d'un mystère irrésolu. Mais ce qui compte est la trajectoire montée dans une succession d'archives où peu à peu Rissin existe, parle, s'active et se dissout.

Il y aura eu des indices de son existence avant le trou (de mémoire ?) final possible métaphore de la séduction politique et preuve que l'homme providentiel est une vue de l'esprit. Chacun a envie d'y croire pour s'éviter des fatigues.

Ce roman séduit par son côté kaléidoscopique et fuyant. La diffraction permet un charme ironique. Mais afin que cette fable soit pleinement réussie il manque une langue à la hauteur de l'ambition de la structure. Ici l'immensité du rien n'est pas une hypothèse douteuse. Certes le roman la décrit mais a du mal à le "dire".

Jean-Paul Gavard-Perret

Martin Mongin, Francis Rissin, éditions Tusitala, août 2019, 616 p.-, 22 euros

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