Gatsby en jupons

Et si le grand Francis avait eu un fils spirituel ? Nul doute qu’il se nommerait John O’Hara (1905-1970). Et qu’il se verrait poursuivit par les foules de hyènes féministes en rut. Rien que pour avoir osé inventer une pétroleuse sexuelle qui se ballade nue sous son manteau… Hélas ces temps bénis de l’insouciance littéraire sont bannis, raison ici évoquée pour nous offrir ce luxe littéraire d’une lecture explosive et truculente.

Suivons donc la belle Gloria Wandrous, affolante beauté de dix-huit printemps qui s’enhardit tous les soirs dans des speakeasies au temps de la prohibition et… se réveille tous les matins dans des garçonnières, toujours pompète de la veille, la coquine, robe oubliée, nue sous les draps ou dissimulée dans un pyjama d’hommes. Chocking ! Quand elle est de bonne humeur, elle laisse son numéro au galant : Butterfield 8 – ce qui est d’ailleurs le titre original de ce roman fou-fou datant de 1935 dont on remercie les éditions de l’Olivier de nous l’avoir remis en forme.

Quelle vision que cette lecture en compagnie de cette vamp d’un autre temps, briseuse de cœurs qui se défend comme elle peut de la rapacité masculine ; la voilà donc nue sous un manteau volé, narguant le code civil new-yorkais avec une suprême élégance. Il y a de l’insolence et une pointe d’insouciance chez Daisy, on s’amuse à y voir le reflet de Gatsby ; et elle aussi, finira mal. Encore cette morale américaine qui punit les électrons libres. Mais elle aura d’autres petites sœurs qui sont devenues des grandes dames, des figures, des mythes désormais au Panthéon de la femme totale comme Holly (Breakfast chez Tiffany’s) et le roman sera porté à l’écran (La Vénus au vison dans sa version française) qui offrira à Elizabeth Taylor l’Oscar de la meilleure actrice pour son rôle.

Faut-il voir dans la réédition de ce roman un clin d’œil bien latin à notre propension à la désobéissance ? Il y a un siècle c’était la prohibition, aujourd’hui ce sont les masques que l’on nous impose 4 mois trop tard, histoire de faire semblant de justifier d’un quelconque intérêt pour la santé des gens quand en mars on nous disait, en pleine pandémie, que cela ne servait à rien… Confinement : combien se sont affranchis des règles pour continuer à se voir ? Un très petit nombre sans doute tant la mentalité s’est inversée, à vouloir vivre on se fait désormais insulter. Or, tout comme Gloria, nous sommes des êtres libres, sans jugement, nous faisons ce que bon nous semble.

 

Rodolphe

 

John O’Hara, L’enfer commence avec elle, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Yves Malartic, L’Olivier, juin 2020, 255 p.-, 22 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.