Maximilien Friche : soufre et souffle de la fiction

Maximilien Friche possède un tel souffle que sa fiction en est échevelée. En conséquence il doit la couper en "romans". S'y mêle – en commençant par le bout du bout – ce que l'imaginaire fomente et que le réel rappelle. Par exemple l'épisode de "La nuit debout". Cette ex-actualité est si vieille qu'elle semble se perdre ici dans la nuit des temps.

L'ensemble ne va pas sans une quête du religieux. Mais selon une métaphysique inversée concoctée par huit élus vaguement ou idéalement politisés. Leur seul but est de rappeler aux hommes qu'ils sont mortels. Un tel programme ne souffre pas de contradiction puisqu'il sera appliqué par 100 % de la population, néanmoins il reste peu audible.
D'autant que le carteron des troubles faits s'attaque à toute fête : les caddies des cathédrales de la consommation, Noël, l'art contemporain et bien d'autres fadaises. Le tout entretenu par des militants et autres tartuffes spécialistes en forfanteries indigestes.

De ce huitain, certains ne tiendront pas la distance et se feront sauter la cervelle : ce qui peut finir au mieux en ragots de comptoir. Mais l'ellipse de l'écriture de Maxililien Friche permet de les sortir des vulgarités dont le monde regorge.
De tels apôtres il ne restera même pas les mauvaises augures : juste de la fumée, de la vapeur. Bref, leur conclave demeure plus concave que convexe, sans fumée blanche à l'horizon – qu'elle sorte de la Chapelle Sixtine ou monte des déserts de l'Arizona. Et le narrateur-héros de prévoir que l'éternité est derrière nous. Si bien que "les choses peuvent reprendre leur cours à la vitesse de la parole et donc de l'écrit.

Mais après tout, l'auteur n'est pas comptable des erreurs de ses héroïnes et héros au zéro de conduite. Certes, ils auront semé eux aussi leur virus. Mais face à la Covid-19 il est loin de faire le poids. De tels personnages ont pu appartenir au camp des rebelles, toutefois  leur anarcho-syndicalisme sera une farce.
Ne subsiste finalement que peu de grains à moudre : c'est ce qui fait la puissance d'un tel roman. Il bat la campagne (et le cœur des cités) pour tenter à sa manière de toucher Dieu, le saisir à ses entrailles, puisqu'il est femme aussi. Ce qui est rassurant et demeure la seule touche d'espoir. C'est peu diront certains. Mais nous nous contentons souvent de moins.


Jean-Paul Gavard-Perret


Maximilien Friche, Apôtres d'opérette, Les éditions Sans Escale, novembre 2020, 244 p.-, 13 euros

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