Julien Teyssandier, sauve qui peut


Après deux essais sur l’art ( l'un consacré à Arvo Pärt, l'autre à  Odilon Redon)  et un livre de poésie en prose – Métamorphose –, Julien Teyssandier publie un premier roman prometteur à forte puissance d'évocation poétique non sans une certaine violence.
Le héros – médecin légiste – traumatisé par son travail a du mal à adhérer au réel et devient absent à tout ce qui l'entoure jusqu'à sa rencontre avec une jeune étudiante en cinéma elle aussi en dérive.

Ils errent dans une ville à la Calvino où se mêlent fêtes nocturnes, ombres et fantômes. Ils vont tenter de fuir même si cela semble difficile à ceux qui ont perdu-pied face à l'existence. Ils rodent en  un univers presque mystique là où l'aube ne symbolise pas le retour du jour mais  "une faveur de dieu" et ce même si pour le héros, le matin ramène  "à l’odeur de javel et du formol vaporisé au moment de la désinfection des corps."

Difficile dès lors de rentrer dans le monde des vivants et de l'amour là où chaque cadavre semble  le dernier homme que le praticien tente de faire "parler".

Vivre revient à se situer dans le mourir et dans le centre du sentiment de la fin. Sonder au scalpel  la "viande" humaine c'est entrer dans l'absence.  D'où la difficulté de rejoindre l'amour d'autant que l'héroïne est pleine de circonspection face à ceux qui lui ont fait la cour.  D'où une froideur première face à son galant démuni.

Et ce roman d'exode fini par éteindre certaines illusions fallacieuses là où l'amour est remis en chantier et se voudrait moins véhément que libre jusqu'à offrir une grâce douloureuse d'anges pétris d'ombres et qui espèrent des trouées de lumière.
 

Jean-Paul Gavard-Perret


Julien Teyssandier, Ceux qui voudraient fuir, éditions Nouvelle Marge, mai 2021, 13 euros

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