L'étrange et le familier en Haïti : Emmelie Prophète

Née à Port-au-Prince, Emmelie Prophète est romancière poète, et journaliste. Elle connait de l'intérieur Haïti. Les villages de Dieu dépeint l’effondrement et la banalité du mal dans cette ville de Port-au-Prince livrée à ses multiples démons.
Retranchés dans des cités qui tirent leur nom de la légende biblique et de Bethléem, les gangs pillent, violent et assassinent, en toute impunité  sous cette nomination divine.

Célia, adolescente, cherche à survivre, tantôt en se prostituant, tantôt en écrivant la chronique des femmes de la cité sur les réseaux sociaux, où elle devient influenceuse.
Cette narratrice ne connaît pas la peur : J’étais habituée au bruit des armes. J’ai grandi dans cette cité où jamais il n’y avait eu de trêves, où la mort circulait à midi comme à minuit.

 

Elle ne veut donc pas suivre le cas de sa "Grand Ma" morte de terreur. Et ce livre s'élève contre la terreur et un tel accident endémique de l'histoire d'Haïti qui semble ne pas avoir de fin. La romancière plonge dans la profondeur de la violence, ses cheminements. Ils attirent vers la nuit une île qui avait tout pour être solaire.

Le livre est bouleversant par sa capacité stylistique à descendre dans les ténèbres mais bien au-delà du simple reportage d'un drame national qu'aucun semble vouloir ou pouvoir réparer. C'est comme si un tel monde était laissé à une déréliction qui arrange tout les exploiteurs au détriment de ceux et surtout celles qui en sont les victimes et dont les vies restent en effondrement.

Jean-Paul Gavard-Perret

Emmelie Prophète, Les villages de Dieu, Éditions Mémoire d'encrier, aout 2021, 224 p.-, 19 €

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