Les illusions perdues d'Élisabeth Morcellet

Beaucoup de fictions aux promesses ambitieuses ne les tiennent pas. Cela ne se vérifie pas avec le roman monde d'Élisabeth Morcellet. Modestement décrit pas son auteure non comme un livre mais le billet d'entrée d'une exposition, celle du vivant, dans sa polymorphie il devient une nouvelle version des illusions perdues. Celles de Belles au bois dormant des superettes, studios de montages  et impasses.

Cinématographique à sa manière mais selon un agencement que ne renieraient ni Duras ni les romanciers faulknériens, une telle fiction scénarise des amoureuses qui se veulent libres et créatrices. Hélas elles ne sont pas seules au monde et c'est pourquoi elles se retrouvent finalement en autarcie totale.

Toutefois, avant ces fins de parties, il exista de beaux rêves d'émancipation. Ils n'ont pas tous disparus dans l'immense brassage d'une prose sans temps morts et où il n'est pas plus question de "romantiser" que de jouer du pathos.

Pictural, ce roman polyptique fait pénétrer dans la vie des femmes : il y a là des divas, des grues, des gamines face à des mâles souvent lambda en leurs bals des nazes. La vision est géniale, clinique et ne manque pas d'humour.

Bien des mécaniques du vivant permettent de quasiment formaliser les axiomes d'un monde dont Élisabeth Morcellet capte en miroir les projections. Au besoin elle n'en donne pas seulement le descriptif mais la manière de les monter. 

Chaque femme  garde  son mot à dire au sein de diverses couches de la société. Paris s'endort, s'éveille avec ses chefs de rang souvent foireux. Face à eux, les plus expérimentées des héroïnes jouent les maternantes, histoire de respirer un peu, près des Buttes-Chaumont ou en bord d'une Seine en rien fleuve Amour. Ou si peu.

Jean-Paul Gavard-Perret

Elisabeth Morcellet, Bien le temps d'être libre, La P'tite Hélène Éditions, février 2022, 430 p.-, 29 €

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