Les années Trianon - au coeur du cercle enchanté de Marie-Antoinette

Catherine Hermary-Vieille n’est pas historienne mais sous sa plume, les personnages de l’histoire revivent sous les yeux de nos contemporains. Elle fait partie de ces romanciers qui s’appuient sur les recherches des historiens et y ajoute une étincelle de vie ce que bien des historiens ne réussissent à faire à travers leurs ouvrages destinés à un public restreint. Son parcours en lui-même est assez étonnant. Née en France, elle a étudié à l’Ecole Nationale des Langues Orientales de Paris puis a poursuivi ses études au Manhattanville collège à Greenwich. Elle a été l’assistante de l’ambassadeur à Chypre à Paris et se lance dans l’écriture en 1981. Chevalier de la Légion d’honneur et Officier des Arts et des Lettres, elle a été distinguée par différents prix, comme le prix Georges Dupau de l’Académie française. Parmi ses œuvres les plus réussies, la saga Le crépuscule des rois qui retrace l’histoire des Tudors de la Guerre des deux roses au règne d’Henri VIII.


 Dans son nouveau roman historique, Catherine Hermary-Vieille nous ouvre les portes du petit Trianon et retrace ce que fut la vie de Marie-Antoinette, de son arrivée à la cour de France jusqu’à la fuite à Varennes.


 
Au cœur du cercle enchanté…

Le récit commence en 1770 alors que la jeune et innocente Marie-Antoinette vient de s’unir au Dauphin de France. Fille de l’empereur François Ier de Lorraine et de Marie-Thérèse d’Autriche, son mariage vise à réconcilier la dynastie des Habsbourg avec la monarchie française. Les fêtes données en l’honneur de leur mariage sont de mauvais augures : les feux d’artifice entraînent une bousculade qui fait cent trente-deux morts. La jeune dauphine doit rapidement faire face à de nombreuses désillusions : l’étiquette française est très stricte, surtout pour une jeune fille de son âge qui a été habituée à être entourée d’affection. À cela se rajoute l’incapacité de son mari à assumer son devoir conjugal, ce que toute la cour s’empresse de commenter. Les lettres de sa mère l’enjoignant de se montrer plus empressée auprès de son jeune époux lui rappellent la pression constante pesant sur ces jeunes épaules.

À la recherche d’amitié et d’affection, elle se lie rapidement à la princesse de Lamballe qui lui voue un dévouement sans limite. Cette amitié la rassure dans un monde réglé comme une partition. Peu à peu, elle réunit autour d’elle un cercle enchanté réunissant la jeunesse de Versailles : l’insouciance, le raffinement, la beauté et la frivolité lui permettent d’alléger le poids des convenances. Autour d’elle se réunissent Artois, Lauzun jusqu’à sa disgrâce, Besenval, Vaudreuil, Coigny mais surtout Yolande de Polignac, la « Jules » (1) qui l’entoure d’une tendresse sincère.

Nous suivons l’évolution de cette jeune dauphine qui devient reine. L’accession au pouvoir lui permet de prendre plus de liberté car en tant que reine de France qui oserait la critiquer ? Elle s’isole au sein de son cercle, profite de tous les instants de bonheur et de joie qui lui sont offerts sans se soucier de « Madame Etiquette ». Ses amitiés font bientôt jasées la haute noblesse : son amitié avec « la Jules » de Polignac n’est-elle pas une amitié saphique ? Son amitié avec la Polignac ne lassent pas de faire jaser : bien que Yolande de Polignac semble sincère dans son amitié, sa famille, elle fait tout pour profiter de son ascendance sur la reine, demandant charges et rétributions.

Bientôt son comportement heurte le peuple : perdant des sommes folles au Pharaon alors que le peuple meurt de faim, dépensant des sommes astronomiques en nouvelles toilettes auprès de Rose Bertin, elle devient peu à peu « L’Autrichienne ». Elle et son cercle se coupent d’un monde qui est en train de changer.

Nous suivons avec passion le récit que nous dresse l’auteur : d’un côté, nous suivons les crises, les attaques que subit la monarchie française. De l’autre, le parcours de la reine et de son cercle qui ne semblent pas se rendre compte des bouleversements. Ancrés dans une société en train de s’effondrer, la reine et son cercle veulent maintenir à tout prix ce qu’ils connaissent et ce qui les rassurent. La reine est prisonnière de son monde, de ses relations. Les événements s’enchaînent : les Etats Généraux, le serment du jeu de Paume, la prise de la Bastille, le retour forcé de la famille royale aux Tuileries, la mise en place de la monarchie constitutionnelle et la fuite à Varennes.

Là s’arrête le récit de Catherine Hermary-Vieille, le reste nous l’avons appris à travers nos cours d’histoire. Elle dresse le portrait humain d’une reine, prise en étaux entre sa volonté d’être indépendante et l’étiquette alors que l’Histoire est en marche. Le portrait de Marie-Antoinette est attendrissant et horripilant : une jeune fille devant se plier à des règles strictes, soumise à un mari pour qui elle a de l’affection mais qu’elle n’aime pas. Et Fersen que l’on a soupçonné d’être le père de Louis XVII. Une femme ne voulant pas prendre conscience des changements de son époque, dont l’inconstance et l’insouciance sont horripilantes.

Un roman historique, une histoire romanesque sans aucun doute destinée à tous ceux qui aiment l’Histoire quelque soit leur formation.

Julie Lecanu

(1) Lire l’article de Didier Paineau sur Madame de Polignac et Marie-Antoinette, une amitié fatale, de Nathalie Colas des Francs

 

 

Catherine Hermary-Vieille, Les années Trianon, Albin Michel, Novembre 2009, 220 pages, 22 euros

 

 

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