"Le testament nomade" de Monmaneix : indispensable pour comprendre la révolte touareg actuelle.
Marc et José foncent dans le désert. La voiture est bondée d’essence. Jusqu’à voir s’entasser les jerricans sur la banquette arrière. C’est leur salaire de la peur, qu’ils n’ont pas d’ailleurs. Trop fous pour être conscients du danger. Dès les premières pages on est plongé dans l’ambiance. Il fera chaud. Rien n’est acquis. On ne fume pas que des cigarettes. Les filles sont belles et le temps sait s’arrêter... On appréhende alors la culture touareg par différentes entrées qui donnent un charme particulier à ce roman de politique-fiction. On passe de la grande simplicité de la vie nomade aux tribulations des grands groupes de presse que rien n’arrêtent pour faire un scoop. Même pas l’ONU qui est très vite dépassé par cette révolution pacifique : les femmes marchent pour la paix !
D’anecdotes en faits divers les choses se mettent en place. L’armée du Niger, du Mali et d’Algérie essayent bien de s’interposer. Mais c’est déjà trop tard. Aïcha mène sa barque comme personne. Même l’amour ne pourra pas résister aux arcanes de la tradition. Manquerait plus qu’elle tombe amoureuse de Marc. Justement, les deux tourtereaux espèrent bien convoler après le rassemblement de Tamanrasset. Mais rien ne se passera comme prévu. Car tous les coups sont permis dans cette guerre qui ne dit pas son nom. Les touaregs sont tolérés tant qu’ils demeurent au désert. Mais lorsqu’ils s’approchent des villes, il en va tout autrement.
Monmaneix a construit ici une nouvelle légende : Aïcha, son héroïne, pourrait très bien être la petite-fille de Tin-Hinan, celle qui se déplace, la mère fondatrice du peuple Touareg, dont Pierre Benoit - sous le nom d’Antinéa - fit sa reine dans son célèbre roman L’Atlantide.
Par une écriture visuelle, scénique et rapide, ce roman s’inspire des
événements qui eurent lieu dans les années 1980, à la suite d’incidents mêlant
touaregs et gendarmes d’une sous-préfecture nigérienne. Des premières
échauffourées s’en est suivie une répression aveugle durant plusieurs
semaines : chasses à l’homme, séquestrations, tortures, exécutions
sommaires, viols, pillages, destructions des cheptels, puits empoisonnés,
enfants massacrés...
Après le Voyage à Tombouctou de René Caillié et L’Atlantide
de Pierre Benoit, se forme la troisième pierre angulaire de la trilogie du
Sahara avec ce roman de politique-fiction.
Monmaneix met en lumière, par les
jeux d’une langue brute et poétique - aux contours historiographiques - la
réalité nomade d’aujourd’hui.
Un roman d’actualité à lire très vite pour mieux comprendre ce qui se passe en ce moment dans le Sahara...
Annabelle Hautecontre
Monmaneix, Le Testament nomade, coll. "la bibliothèque de
Babel", Les éditions du Littéraire, janvier 2012, 200 pages, 18,50 €
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