"La trahison des Borgia" - liaisons dangereuses au coeur d'une des plus célèbres familles italiennes

LA TRAHISON DES BORGIAAprès Francesca, empoisonneuse à la cour des Borgia, Sara Poole nous offre ici le deuxième tome de cette saga qui retrace l’histoire d’une des plus célèbres et mystérieuses familles italiennes de la Renaissance. Nous retrouvons les principaux protagonistes du premier tome, qui sont toujours à la recherche de pouvoir mais aussi de savoir.

1493-Rodrigo Borgia est pape depuis un an. Toujours au cœur de complots, menaçant certains et menacé par d’autres, le pape a un besoin pressant de son empoisonneuse, Francesca. Une tâche lourde pour la jeune femme d’autant que cette dernière a intégré un groupuscule secret, Lux, qui s’est donné pour mission d’élucider les mystères de la nature. Une curiosité qui pourrait être récompensée par le bûcher. Dans une période politique troublée, Francesca doit également faire face au retour de son pire ennemi, le prêtre fou Morozzi, l’homme qui a tué son père qu’elle n’a pas renoncé à venger. Soutenu par Savonarole, le dominicain prêchant contre la corruption de l’Eglise catholique romaine, Morozzi a mis en place un nouveau plan pour se débarrasser du pape. Complots, dangers s’accumulent et Francesca va élaborer un plan désespéré où elle met sa propre vie en danger pour faire échouer les plans de cet homme. Notre héroïne va aussi devoir faire face à ses propres démons et ils sont nombreux. Elle va donc avoir fort à faire et c’est peu de le dire.

Résumé ainsi, le deuxième tome de cette saga semble être riche en rebondissements. Malheureusement, la trahison des Borgia doit faire face à cette espèce de malédiction du deuxième tome, celui de la lenteur. En effet, si l’on s’intéresse à la principale intrigue, celle concernant le complot monté par Morozzi, on constate que cela traîne en longueur et donne une impression de déjà vue avec une scène finale à la basilique Saint-Pierre. Même les risques pris par Francesca, qui met sa vie en danger, traînent en longueur : trop de blabla entre l’idée et la mise en œuvre. Néanmoins la scène de la messe rendue en son hommage menée par le pape lui-même, ne manque pas de piquant. Bref, ce n’est pas cela qui va nous pousser à poursuivre notre lecture. Les intrigues secondaires se révèlent plus intéressantes en réalité : tout d’abord, la découverte d’une bibliothèque secrète au Vatican, le Mystérium, qui réunit toutes les œuvres et découvertes scientifiques condamnées l’Eglise. Francesca obtient un accès illimité et l’on se demande ce qu’elle va y découvrir. Puis, le passé de Francesca qui ressurgit à travers de terribles cauchemars qu’elle tente d’arrêter en utilisant les opiacés que lui fournit Sofia Montefiore, l’apothicaire juive. Cette dernière détient la clé de ces cauchemars mais ne semble pas encore prête à lui révéler leur signification par peur des conséquences que cela pourrait avoir.

L’aspect historique bien que survolé, se révèle également intéressant : le roman fait la part belle aux rivalités politiques de l’époque : les enjeux de la bulle Inter caetera qui octroie à l’Espagne une grande partie des nouvelles terres découvertes à cent lieues à l’ouest des Açores, les rivalités espagnoles et françaises au sujet de Milan, la menace du cardinal della Rovere, le mariage de Lucrèce servant les intérêts de sa famille… bref un condensé de la politique de la Renaissance. Par ailleurs, la recherche de vérité scientifique de Lux et les dangers que cela représente, montre bien le paradoxe de la Renaissance : d’un côté, la redécouverte de certains auteurs antiques, de nouvelles techniques picturales, des chefs d’œuvres artistiques mais pourtant une période où l’Eglise à la main mise sur les savoirs, où l’Inquisition fait rage en Espagne, où des fanatiques comme Savonarole s’épanouissent. Mais n’oublions pas que nous ne sommes qu’au début de la période.

Le personnage de Francesca s’étoffe un peu mais reste toujours agaçant: si elle s’escrime à sauver ceux qu’elle aime, à faire son métier sans pour autant être cruelle, elle reste persuadée qu’elle est maudite et fuit tout ce qui pourrait lui apporter le bonheur dont Rocco, le verrier, qu’elle aime et qui l’aime. L’auteur essaye d’en faire un être bivalent : femme forte, elle est pourtant faible face à l’amour et le poids de sa charge. Un côté téléphoné qui nous donne parfois envie de secouer l’héroïne comme un vieux prunier. On aurait préféré une vraie femme forte et indépendante. Ses relations avec César Borgia sont beaucoup plus savoureuses : relation principalement charnelle, on découvre qu’il existe néanmoins une relation plus profonde entre ces deux êtres. Elle donne du piquant et de la sensualité au récit. Au final, même constat que pour les intrigues, ce sont les personnages secondaires qui se révèlent être les plus intéressants : César, Portia, David, Sofia ou Benjamin par exemple.

Au final, un deuxième tome en demi-teinte : si le personnage principal agace et que l’intrigue déçoit, certains éléments vont toutefois nous pousser à lire le 3ème tome que semble annoncer à la fin. Question d’avoir le fin mot de l’histoire. 


Julie Lecanu

 

Sara Poole, traduit de l'anglais pas Patricia Barbe-Girault,  La trahison des Borgia, MA éditions, avril 2012, 418 pages, 20 euros

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