Dans le pays des merveilles de Morgan Audic, la mort rode…

Bien (trop) souvent le roman noir s’attache à décrire des faits, monter des intrigues, établir un suspens mais oublie que des mots alignés simplement n’ont rien de plaisant à lire, même si l’histoire est diabolique ; oui, j’en reviens encore – et toujours – au style, cette satanée musique sans qui ni plaisir ni lecture n’est possible. C’est bien pour cela que je ne lis pas de polars ; ou si peu… Or, ici, justement, la voici présente dès la première page… Jubilation du lecteur !

C’est aussi le pourquoi du pari de lire – souvent – des premiers romans, le nouvel entrant dans la cour des grands s’emploie à mettre – lui ! – ses tripes sur la table, jouant le tout pour le tout d’entrée de jeu, on est donc enclin à espérer y trouver le meilleur. Morgan Audic transforme l’essai, comme l’on dit au pays du rugby : humour, décalage, hommage, poésie, intrigue… tous les éléments sont là.

 

Christian Andersen est réveillé en pleine nuit, il semblerait que la victime qui vient d’être admise aux urgences pourrait être Alice, sa femme disparue depuis trois ans. L’avocat se précipite à l’Hôtel-Dieu mais non, trop simple.

Alice est-elle morte alors comme le soupçonne la police ? Victime du Marionnettiste, ce tueur en série après lequel elle court, en vain ? Ou son mari est-il l’assassin ? Faut dire que son emploi du temps comporte des blancs, et sa mémoire fait défaut depuis son accident de voiture. Trop facile pour Diane, l’ex-fliquette débarquée pour raison… violente. Boxeuse à ses heures de loisirs, elle a confondu suspect et sparring-partner

Sans oublier la disparition du beau-père : le père d’Alice n’aura pas supporté de perdre sa fille. Quant au monde des affaires auquel participait l’ancien patron d’Alice, cela invite un peu trop à parler de blanchiment d’argent. Alors quelle piste suivre, surtout que des jeunes femmes ressemblant à Alice sont sauvagement assassinées, ici et là…

 

Le lapin est en retard, comme toujours ; le temps semble tourner à l’envers ; les SMS s’invitent trop souvent, à quoi ressemble un corbeau ?; la fiction n’est pas que dans la réalité ; une femme peut en cacher une autre ; l’érosion affirme l’avancée malgré les apparences… Chamboulement des normes, juxtaposition des convenances, élaboration de nouvelles tendances, mise en place d’une politique définitive : le monde se métamorphose, les escaliers se déplacent, les cartes sont méchantes et Alice n’en fait qu’à sa tête.

Ce roman en trompe-l’œil est un gros gâteau pour grands enfants que l’on dévore à pleines mains, des images plein la tête, le cœur qui fait boum ! Plaisir primaire de jouer à se faire peur, délice des phrases qui fredonnent, poésie de l’absurde. Quelle réussite !

 

François Xavier

 

Morgan Audic, Trop de morts au pays des merveilles, Rouergue noir, avril 2016, 368 p. – 21,80

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