L'administrateur provisoire au commissariat aux questions juives

Un arrière-grand-père dont on ne sait quasiment rien sinon qu'il possède une très riche propriété et un très mauvais caractère, et qu'il est devenu coutumier de ne plus parler de lui. La famille s'est un peu éparpillée dans les non-dits depuis la mort du frère du narrateur, qui décide de se plonger dans les archives nationales pour tenter de comprendre quel lourd secret qui empoisonne sa famille. Ce qu'il va découvrir va l'étourdir : son aïeul a travaillé au Commissariat général aux Questions juives comme administrateur des biens confisqués par le régime de Vichy aux ordres du IIIe Reich. Gérer les entreprises, certes, ce qui déjà est infâme, mais aussi spolier les biens, et la fortune familiale viendrait-elle d'une ignominie originale ? 

Sur ce sujet douloureux, Alexandre Seurat pose un roman d'une très grande intelligence et d'une écriture calme,  comme son narrateur, dont on suit la plongée dans les secrets de famille, forçant les uns à lui révéler cette part qu'ils savent, les autres les brides dont ils se souviennent, car les faits sont anciens. Mais le nom de l'aïeul inscrit dans les registres, quelles qu'en soient les raisons, le motif qui voudrait justifier un tel engagement, et le temps qui a passé depuis, cette tâche marque le narrateur qui ne peut plus se déprendre de cette sorte de quête : comprendre comment on a pu accepter cette mission, et comment on a pu vivre avec ce secret dans ne opulence d'origine douteuse... 

L'Administrateur provisoire ne juge pas, il a l'élégance de laisser le lecteur s'étourdir avec le narrateur et découvrir comme dans un reportage suggestif, peut-être, cette abomination administrative.

Loïc Di Stefano


Alexandre Seurat, L'Administrateur provisoire, Rouergue, août 2016, 192 pages, 18,50 eur
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