"Rouge est le sang", la couleur du noir


"Paul Goodman se sentait comme un condamné, tandis qu’il s’avançait vers l’abattoir à travers l’herbe détrempée. Un rosaire de nœuds s’accrochait à son estomac et le serrait un peu plus à chaque pas. La pluie et un froid vicieux lui pinçaient la peau. Un frisson involontaire lui parcourut l’échine et les boyaux à l’idée que, dans moins d’une minute, il serait à l’intérieur du bâtiment, à l’intérieur de l’énorme ventre de la  bête. »


Le roman noir, c’est avant tout un ton, une atmosphère, un climat. À part au sein du genre policier, il est certainement ce qu’il y a plus difficile à écrire. Et voici un auteur, Sam Millar, pour qui écrire du noir est aussi facile que de respirer.


À l’abattoir


Orphelin de père, Paul Goodman, chômeur et joueur de snooker, est embauché dans un abattoir par le patron, Shank. Ce n’est pas le rêve de sa vie mais une occasion pareille ne se refuse pas. Son premier jour, il est plongé dans une cuve remplie du sang des animaux tués. Après ce baptême, Goodman travaille aux abattoirs et plutôt bien. Il gagne suffisamment d’argent pour pouvoir commencer à s’offrir une superbe queue de snooker chez Philip Kennedy, le prêteur sur gages, qui l’a pris de façon assez étrange en sympathie. Goodman finit par tomber amoureux de Geordie, la fille du patron. Celle-ci déteste son père, l’accusant d’avoir fait prendre à sa mère des médicaments à l’origine de son infirmité aux jambes. Goodman est à la croisée des chemins, se demande comment Shank va prendre sa relation avec Geordie lorsque son meilleur ami, Lucky, le surprend en train de commettre un meurtre …


Un auteur à suivre.


Ancien membre de l’IRA, ancien détenu, Sam Millar se nourrit de ses vies passées pour écrire des polars autant efficaces que glauques. Il bénéficie ici d’une traduction impeccable de Patrick Raynal, ancien patron de la mythique série noire et écrivain lui-même. Avec Rouge est le sang, le lecteur se prend une série d’uppercuts dans l’estomac. Chaque personnage est hanté par le passé, celui de l’Irlande et de ses conflits séculaires entre catholiques et protestants. Ça réveille, ça secoue. Avec un auteur comme Sam Millar, le roman noir a encore de beaux jours devant lui.

 

Sylvain Bonnet


Sam Millar, Rouge est le sang, traduit de l’anglais (Irlande) par Patrick Raynal, Point policiers, janvier 2014, 277 pages, 7 €

Aucun commentaire pour ce contenu.