Sandrine Willems, ou la psychologie des profondeurs

Une fois encore, c’est avec un vif intérêt que l’on lit le dernier livre de Sandrine Willems, Addictions et reliances, qui paraît ces jours-ci aux éditions Les Impressions nouvelles. Cet ouvrage est à la fois un essai, un compte-rendu de discussions avec des toxicomanes, un travail d’anthropologie et de psychologie, et comme dans son livre précédent – Carnets de l’autre amour – un travail sur soi.

Sandrine Willems nous prévient d’emblée : elle est psychologue. Elle essaie d’agir sur la psyché, peut-être sur l’anima, dont elle nous parlait dans l’entretien qu’elle nous avait donné ici en mai 2014. Modeste, elle ne nous dit pas qu’elle est aussi docteure en philosophie, entre autres, ce dont témoigne la très remarquable préface de ce livre. 


Cette fois, elle étudie les « extases mystiques » que lui semblent vivre les alcooliques, les toxicomanes. D’où cela provient-il ? Elle émet l’hypothèse que cette quête provient du manque de relations aux autres, à soi, à notre anima¸ voire même à un animal. Les « produits » (mescaline pour Henri Michaux, peyotl pour Antonin Artaud ou alcool pour Charles Bukowski et alii) viennent à la place d’une relation au monde dans lequel le sujet voudrait se fondre : « dissolution du moi ».


Dans le même mouvement, le sujet cherche à dégager « sa part divine », tout en vivant l’expérience des limites et donc, bien sûr, les drogues. On le pressent, la « part maudite » de Georges Bataille n’est pas si loin.


Exploration de l’âme, tentative de limiter ou détruire cette quête par le biais des « produits », essor désespéré vers une 3ème dimension qui ne soit pas dissociée, ou vers toute autre dimension, multiples métamorphoses du moi en autre, en animal-totem, en… autre chose, la recherche humaine est ici généreuse, immense, peut-être inextinguible. La psychologue témoigne aussi de notre soif.

Les comptes rendus de séances entre Sandrine Willems et ses patients peu patients sont tout aussi passionnants : tantôt elle les fait jouer comme au théâtre, dialoguer entre eux, etc…, tantôt seule avec l’une ou l’autre elle relève quelques mots qu’elle laisse jouer. C’est un vrai plaisir que de lire ce qui se dit entre la psychologue et ses nonnettes ou moinillons, et ici les jeux de mots régalent le lecteur. Sur ce dernier point, on ne sait si elle fait exprès de signaler qu'elle recommande souvent à ses patients de lire Le Moine et la psychanalyste, de Marie Balmary : on a l’impression qu’à force de reprendre à son compte la recherche mystique d’un patient, la psychanalyste est le moine, et inversement… 

 

Bertrand du Chambon

 

Sandrine Willems, Addictions et reliances, éditions Les Impressions nouvelles, mars 2017, 201 pages. 18 €

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