Santiago H. Amirogena : les exils sans royaume – ou si peu

Santiago Amirogena défend une identité mouvante dans sa langue entreprise autobiographique. Tandis que Le Ghetto intérieur racontait le silence, de celui qui deviendrait le grand-père de l’auteur et qui émigra à Buenos Aires, Le Premier exil s’ouvre sur la mort, vingt ans plus tard, dans cette ville, de l’arrière-grand-père maternel, l’abuelo Zeide, un Juif de Kiev. Mais la famille du narrateur a dû fuir l’Argentine pour l’Uruguay, et échapper à la dictature, après le coup d’État militaire en 1968.

Le livre raconte donc un des exils qui fondent la matière de la pensée de l'auteur. La patrie est en effet un concept qui ne l'intéresse pas et il cherche une vision plus générale. L'écrivain argentin reste néanmoins l'auteur type d'une bien-pensance de gauche. Elle se mixe de différents combats mais reste l'exemple d'une écriture faussement silencieuse. En dépit de son mépris pour le terme de patrie, c'est chacune d'entre elles que l'écrivain contextualise en ses histoires de vie et ici à travers le portrait du continent sud-américain et d'un Uruguay aux nuits sanglantes.
Ce texte fait partie du projet littéraire de plus de trente ans  de Santiago Amirogena et qu’il a nommé, pour lui-même, Le Dernier livre. Cette saga comporte six parties qui couvrent chacune six années de la vie du narrateur. Avec ce dernier opus un livre d'entrée dans la vieillesse à l'aune de celles des plus anciens de sa famille.

Tout est l'exemple type d'une sempiternelle histoire de souvenirs. Ils n'ont rien de passionnants mais en France où comme l'on dit l'auteur" possède la carte". Il reste la coqueluche de toute une intelligentzia qui se précipite dans la prose de l'apatride et aphasique rêveur de jadis – celui qui nageait dans un bain psychanalytique de l'enfance puisque mère, père et tante en était les grands prêtres argentins. Il ne cesse de la séduire par des aventures venues de l'étranger pour dépayser le lecteur parfois avec humour, parfois avec horreur.
Mais nous sommes dans un discours des plus classiques et bien loin des audaces verbales de Lacan  L'auteur reste un supplétif des plongées dans les abîmes. Son écriture est bon chic bon genre. Tout demeure sage, calibré, illustré dans une apparente rejet de l'impensé selon une volonté de tout savoir et de tout représenter. Reste qu'une telle littérature par son écriture descriptive demeure larvée et d'un intérêt relatif.
 

Jean-Paul Gavard-Perret

Santiago H. Amigorena, Le Premier exil, P.O.L éditeur, aout 2021,  336 p.-, 20 €

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