Saphia Azzedine, Sa mère : La quête des origines

A 28 ans, Marie-Adélaïde a un caractère bien trempé. Serveuse à la Miche Dorée, elle sort tout juste de prison et se place d’emblée du côté des révoltées. Elle a de quoi.

Née sous X, rien ne lui a été épargné : adoptée une première fois, elle a été « rendue » aux services sociaux, ce qui marque durablement une enfance, avant de connaître les familles d’accueil, les petits jobs, la prison et La Miche Dorée.

Elle affirme se désintéresser de ses parents biologiques alors que l’histoire de sa naissance la hante. Elle est persuadée que sa mère était d’un milieu privilégié : "Ce sont les bourgeois qui se débarrassent des mauvaises branches."

Confortée dans cette idée par une de ses compagnes de geôle, qui découvrant la marque, Porthault, du doudou qu’elle traîne depuis toujours, lui affirme que c’est une marque de geois-bour. A partir de ce constat, elle va tenter de retrouver sa mère avec un sens de la répartie très développé et une colère brute. De rencontres improbables en enchaînements hasardeux, elle découvre une société qu’elle commence par haïr de tout son être.

Un peu trop lucide, d’une intelligence hors-norme, elle déteste à peu près tout et tout le monde : les beaux quartiers, la France péri-urbaine moche des centres commerciaux, les petites gens, les riches, les ministres, les femmes voilées, les taulardes, les caissières, les clients, les professionnels de l’enfance.

C’est sa force et sa faiblesse. Force parce-que cette rage brûlante lui donne le courage d’avancer, faiblesse parce qu’elle l’égare et qu’elle ne voit pas les gens prêts à l’aider. Cruelle, en guerre contre la société, son personnage de femme révoltée permet à

Saphia Azzedine, découverte avec Confidences à Allah en 2008, Combien veux-tu m’épouser et Bilqis en 2015, de décrire le monde de ce début du vingt et unième siècle sans compromission, mais avec une lucidité rare.

Définitivement ancrée dans le réel, elle ne fait preuve d’aucun manichéisme : la justice, l’empathie, l’égoïsme ou la bêtise crasse ne se trouvent ni chez les fortunés, ni chez les déshérités, mais sont également répartis.

La justesse du ton, l’ironie permanente se mêlent avec bonheur à une observation fine et critique de la société. Au fil des pages, la quête des origines d’une femme née sous X se mue en une fresque sociale d’une grande ampleur.

Brigit Bontour

Saphia Azzedine, Sa mère, Stock, août 2017, 240 p.,19 €

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