Étoile lointaine

Parlant du soi-disant marin qui vient de jeter l’ancre chez eux à Thulé (Groënland), la vieille dame dit à sa petite-fille :
Oh, lui, il n’est pas pareil… Il a fait un long voyage pour venir jusqu’ici… C’est un choix. Ce n’est pas un vrai marin, je l’ai bien entendu quand il a raconté la mort de Niels… C’est autre chose… Lui, on ne peut pas savoir… Pas encore, en tout cas… Il a des secrets… Son vrai visage, il ne l’a pas encore vu lui-même… C’est pour ça qu’il est venu jusqu’ici… Pour voir.

La grand-mère de Niels, auquel ce "marin" vient de remettre un objet appartenant à son petit-fils récemment mort dans une bagarre, ne croit pas si bien dire : Alex Szénas a été artiste-peintre, ivrogne, trafiquant, et avant tout un homme errant. Comme dans les romans de Cendrars, il lui faut bourlinguer pour tenter de savoir qui il est. Tanger, Lisbonne, Dunkerque, New-York, voire même Thulé, baste ! C’est un peu pareil. Dès le début, nous savons qu’il a perdu quelqu’un, qu’il s’est perdu lui aussi, et qu’il ne se retrouvera pas.

Mira Ceti est une étoile très éloignée : Mira est le nom donné à l’étoile du col de la Baleine, à cause des singulières variations de sa lumière, nous indiquait François Arago vers 1850. De ce fait, elle est rarement visible.

Tout l’art de Sébastien Doubinsky consiste à nous inviter à suivre cette histoire simple, cette étoile rarement visible, attendant de savoir comment va se réaliser ce que nous devinons déjà.
Cependant cet écrivain très remarquable, dont nous avons déjà lu La Trilogie babylonienne, et tant d’autres livres (*) – en français et en anglais – et tant de poèmes, cet auteur envoûtant donc, nous emporte avec lui et nous entraîne un peu trop loin, en même temps qu’il jette ses personnages sur les routes du vaste monde :
… ils s’engagèrent dans un couloir qui me parut fait de nuit.

Bertrand du Chambon

Sébastien Doubinsky, Mira Ceti, éditions Abstractions, juillet 2021, 169 p.-, 17,99 €

(*) voir notre entretien avec l’auteur : Sébastien Doubinsky : Je suis toujours en exil, 7 et 8 décembre 2012.

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