Saturne, le grand complot

« Dans le sac de sport qu’il tenait au bout du bras droit, Kopa transportait, sous une serviette de bain, un pistolet semi-automatique autrichien muni d’un réducteur de son, le modèle Glock 19 particulièrement résistant à l’eau, ainsi qu’un pistolet-mitrailleur belge FNP90, avec son remarquable chargeur translucide de 50 cartouches, au design inhabituel favorisant la maniabilité de l’arme. »

 

Si tu vas à Saturnia…

 

Saturne s’inscrit dans le cycle consacré par Serge Quadruppani aux enquêtes de la commissaire Simona Tavianello. Tout commence avec un mercenaire qui tire à l’aveuglette sur des touristes en pleine baignade dans les sources d’eau chaude de la ville de Saturnia, en Toscane. La commissaire Simona Tavianello est chargée de l’affaire mais est gênée, retenue en fait par sa hiérarchie. On essaie par exemple de faire croire qu’il s’agit d’un terroriste lié à Al Qaida, c’est si commode. D’anciens collègues de Tavianello sont tués alors qu’ils essaient de lui passer des informations. Au point que la commissaire finit par jeter l’éponge.

 

Les commanditaires - des gens baignant dans les eaux de la haute finance mondiale et ayant à cœur de déstabiliser les Etats afin de préserver leurs intérêts - n’avaient cependant pas prévu que les parents et amis des victimes allaient eux-mêmes procéder à l’enquête en recrutant un des rescapés, Cédric Rottheimer, ex-flic et détective privé. Ils n’avaient pas prévu non plus que le tueur, Jean Kopa, échapperait de peu à leur tentative d’élimination et ferait ensuite tout pour révéler leurs machinations au reste du monde.

 

 

De Goya et du monde qui vient

 

On connaît le tableau de Goya montrant Saturne dévorant ses enfants. Le roman de Serge Quadruppani reprend ce motif et le développe dans plusieurs directions : le tueur rattrapé par ses commanditaires, ceux-ci qui se dévorent entre eux pour survivre et éviter qu’un scandale n’éclate, etc… jusqu’au choix du nom de la ville des meurtres. Cela ajoute un peu de piquant à un polar efficace où l’héroïne principale est plus un témoin, un vecteur, qu’un acteur de la résolution de l’intrigue. Car Saturne est aussi un roman où des victimes - les survivants, ceux qui portent le deuil de leurs morts - prennent le pouvoir et choisissent de rendre justice eux-mêmes et, un peu à la manière  des révolutionnaires de la place Tahrir, y parviennent. Mais le grand dévoilement de la vérité échoue - la plupart des commanditaires demeureront dans l’ombre, inconnus du monde… Vrai roman noir sur le monde actuel, plein d’intrigues foisonnantes qui donnent aux personnages une vie et une chair qui émeut, marqué aussi par le passé gauchiste de l’auteur, Saturne en dit long sur notre époque et marquera durablement le lecteur.

 

Sylvain Bonnet

 

Serge Quadruppani, Saturne, Gallimard, folio policier, septembre 2012, 272 pages, 6,95€

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