"Riverdream", du sang dans le bayou !

Avant d’être connu comme
l’auteur à succès du cycle du Trône de fer, George R.R Martin se fit un nom comme nouvelliste dans les années70, avec des recueils comme Chanson pour Lya et Des Astres et des ombres, parus il y a une trentaine d’années aux éditions J’ai Lu, pour le plus grand bonheur des lecteurs français. De ces années d’apprentissage, Martin garda une technique, de l’efficacité et un sens de l’analyse psychologique qui le firent remarquer des critiques. Riverdream, paru en 1982, bénéficie de l’attention portée sur lui grâce au cycle susnommé. Et c’est avec curiosité qu’on attaque ce roman.

Du rêve au cauchemar

Abner Marsh est laid, gros, difforme et à la tête d’une compagnie de vapeurs du Mississipi qui périclite. Une série de revers de fortune l’a mis au bord de la faillite. Acculé, il accepte avec réticence une offre alléchante, provenant d’un individu nommé Joshua York, afin de construire et d’armer un navire destiné à être le plus rapide et le plus beau pouvant naviguer sur le fleuve : rien d’autre que le rêve caché du vieux Marsh. Et le rêve devient réalité… Tout devrait aller pour le mieux, sauf que Marsh doit accepter les excentricités de son associé : des arrêts prolongés en des points incongrus du fleuve — qui suscitent retards et récriminations des passagers —, des invités pour le moins particuliers, tous au teint pâle et plutôt renfermés. De plus, York et ses compagnons fuient la lumière du jour. La vérité ne tarde pas à être révélée : ce sont des vampires. York tente alors de gagner Marsh à sa cause : mettre fin à la soif du sang… et pour cela affronter en combat singulier le dernier maître du sang, Damon Julian.

Anne Rice et la Louisiane

En lisant ce roman, on ne peut s’empêcher de penser à Entretien avec un Vampire d’Anne Rice, sorti quelques années auparavant. L’action des deux romans se déroule dans le sud et plus particulièrement à la Nouvelle-Orléans ; Joshua York, vampire très humain, fait indéniablement penser à Louis. Quant au décadent et vénéneux Damon Julian, il évoque, en plus trash, la version de Lestat présentée par Rice dans son premier roman. Il ne s’agit pas d’imitation : quelque chose devait traverser le fantastique américain de l’époque, car la quête de Joshua York peut être apparentée à des thèmes présents dans les œuvres de Rice postérieures à Riverdream, comme Memnoch le démon. York veut changer les choses en transformant la façon dont son peuple se nourrit : doit-on y voir un écho lointain des luttes des années 60 ?

Le roman tient aussi par sa finesse dans la description des rapports qui s’instaurent entre Marsh et York, le respect de la parole donnée qui les unit, la confiance qui se crée. L’amitié aussi. Tous ces ingrédients font de Riverdream une découverte intéressante, preuve du métier de Martin et de sa maîtrise de la narration, qui satisfera amplement ses admirateurs et les aficionados de fantastique. Et peut-être les jeunes générations, qui ont baigné dans Twilight, sauront-elles aussi apprécier ce roman. Rêvons !

Sylvain Bonnet

George R. R. Martin, Riverdream, traduit de l'américain par Alain Robert, Mnemos, Février 2012, 336 pages, 22 €
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