"Taltos", la contamination de la fantasy par le roman noir

Qua
trième volume des aventures de Vlad Taltos, assassin humain opérant sur le territoire de l’empire dragaeran,Taltos nous plonge dans un monde de fantasy classique inspiré de Moorcock et de Tolkien. Steven Brust, scientifique de son état, est l’auteur de cette série très populaire aux Etats-Unis.

Vlad Taltos, en proie à de sérieuses difficultés financières, est recruté par la sorcière Sethra (vampire qui n’aura pas l’occasion de jouer de ses crocs ici) et le dragonoble Morrolan pour aller dérober un artefact contenant l’âme de la princesse Alierra (seul un humain peut s’introduire dans le château où est détenu cet artefact). Taltos réussit sa mission et rapporte l’artefact mais ses deux employeurs lui demandent aussitôt de partir pour le pays des morts afin de ramener à la vie cette princesse dont l’existence est vitale pour l’avenir de l’empire dragaeran…

L’histoire est on ne peut plus classique et une partie de la trame s’apparente à celle d’un conte de fées (notamment le thème du sauvetage de l’âme d’une princesse), mais heureusement l’originalité de l’ouvrage est ailleurs.

L’influence du roman noir

Le roman, écrit à la première personne, apparaît comme un grand monologue intérieur. Le narrateur, Vlad Taltos, porte sur sa vie et ses activités un regard distancé, blasé et parfois cynique qui rappelle assez le style d’Hammett et de Chandler (plus que celui de Zelazny) quand ceux-ci mettaient en scène Sam Spade et Philip Marlowe. Taltos fait son job d’assassin comme d’autres travaillent aux champs. Ici, l’affect est tenu à distance et la sécheresse de ton est la règle. Ce qui n’empêche pas un certain code moral du narrateur (Taltos est loyal envers ses employeurs, jusqu’à risquer sa vie pour Morrolan à la fin du roman).

Autre point marquant, les descriptions sont assez sommaires.  Rapide dans sa présentation des personnages, concis dans sa description de l’univers, Brust va à l’essentiel : il est ici en retrait par rapport à un genre marqué par l’importance des parties descriptives, parfois jusqu’à l’indigestion. L’auteur se montre là aussi plus proche du roman noir.

Une structure complexe

Brust juxtapose trois niveaux de narration différents : un premier niveau nous contant l’histoire en cours ; un second racontant une partie de son passé où son enfance et son apprentissage d’assassin sont largement abordés ; un troisième enfin, en italique, se situant en fait chronologiquement à la fin, quand Taltos cherche à réussir sa mission au pays des morts grâce à sa magie. Donc trois niveaux différents de temporalité pour un seul narrateur : ce type de construction se retrouve plus dans la science fiction des années 60 [une nouvelle de Silverberg, «(Moi + n) (Moi - n) ((Now + n) (Now - n) »  par exemple] que dans la fantasy.

L’ensemble manque parfois de clarté, particulièrement au début où la trame narrative peut déconcerter. Pour autant, Taltos est un ouvrage assez fascinant. Il témoigne d’un croisement de deux genres, le roman noir et la fantasy, qui donne un résultat digne d’intérêt.

Sylvain Bonnet

Steven Brust, Taltos, traduit de l'américain par Guillaume Le Pennec, Gallimard, "folio SF", septembre 2009, 320 pages
7,70 €
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