Moi, Lucifer, "le diable dans tous ses états"

La recette Duncan

 

Auteur britannique ne en 1965, Glen Duncan s est imposé dans le champ du fantastique avec Moi, Lucifer (avant de connaitre un succès public avec la trilogie du loup garou). Son approche est simple : choisir un personnage iconique de la littérature fantastique et raconter son histoire a la première personne sur le ton de la confession « démythifiante ». Ici, Duncan s’attaque au diable, Lucifer en personne, l’ange déchu et ca décoiffe !

 

Un contrat insolite

 

Lucifer, chassé du paradis depuis des éons, reçoit une proposition du ciel plutôt insolite : devenir un homme, mortel, avec une période d’essai d’un mois. Et le voilà donc cantonné au corps de Declan Gunn, écrivain anglais raté, qui vient de tenter de se suicider. Lucifer, pas tout à fait homme et plus tout à fait créature divine, décide alors de profiter de ce mois de vacances pour écrire un scénario revisitant l’histoire religieuse. Plus, il décide de nous raconter ses mémoires.

 

Un démon hilarant

 

La tentation de Jésus au désert, comment il a tenté de le sauver face à Pilate (pour contrecarrer les plans divins, pas par altruisme tout de même), son observation amusée des nazis… Tout y passe. Tout aussi drôle sont les moments où Lucifer est envahi par les souvenirs de Gunn, ceux avec sa mère ou son grand amour Penelope. Lucifer semble alors pris de bouffées d’humanité (tout en restant ce qu’il est, c'est-à-dire le diable). Si ce roman idiosyncrasique est bourré d’humour et réserve de bons moments à ses lecteurs, on en ressort cependant avec l’impression étrange d’avoir été manipulé par un auteur très malin, trop content de nous avoir offert un grand moment de ce mal contemporain dont l’art souffre : la dérision. Mais allez, on a encore le droit de se marrer un peu, quand même…

 

Sylvain Bonnet

 

Glen Duncan, Moi, Lucifer, traduit de l’anglais par Michelle Charrier, Gallimard folio SF, janvier 2014, 368 pages, 7,50 € 

2 commentaires

ah! Sujet intéressant et peu commun...  La personnification du Mal, par une sorte d'"antropomorphisme philosophique" (le même qui permet de donner à Dieu  le visage d'un vieillard bienveillant) est un objet philosophique  et  théologique assez passionnant, en particulier si on s'intéresse à Lucifer, le "porteur de lumière", l'ange déchu suite à une connerie, ( -un peu comme Adam et Eve, finalement) .
 Le personnage de Satan, un  classique mauvais conseiller,  tentateur et manipulateur est nettement moins intéressant : il compte tellement d'émules dans la politique qu'on est un peu blasés.
L'entreprise est d'autant plus intéressante que les tentatives précédentes sont apparemment rares : je vois dans wikipedia -ma bible à moi- qu'il faut remonter  aux textes canoniques apocryphes  du Livre d'Hénoch, (je cite : " Hiramash, notamment la partie IV est un roman autobiographique de Lucifer, appelé Vikka pour l'occasion". ) Ca ne nous rajeunit pas. 
Le sujet méritait donc d'être dépoussiéré. Cela m'étonnerait qu'on trouve en particulier dans ces textes antiques la moindre parcelle d'humour, la seule chose qui puisse aider à vivre avec le Mal autour de soi .

cher Proutch, je me permets de vous signaler le très magnifique quoi que fort peu SF "Le Journal de Satan" de Leonid Andreïev, un très grand texte