"Glissement vers le bleu", le grand adieu de Robert Silverberg

Le dernier géant


Comment présenter Robert Silverberg? Il est un des grands auteurs de la SF américaine, l’un des derniers à avoir connu l’âge d’or. Extrêmement prolifique, Silverberg publia énormément (trop, disent certains) et publia dans tous les genres, y compris des ouvrages pour la jeunesse et des même récits érotiques (!). La production de la première partie de sa carrière, jusqu’au mitan des années soixante, ne se caractérise cependant pas par une originalité excessive : le jeune auteur joue avec les paradoxes temporels (la nouvelle Absolument inflexible monte déjà sa maîtrise du thème), la conquête spatiale, etc… En clair, il tirait à la ligne pour bien gagner sa vie. Puis il y eut un tournant avec Un jeu cruel en 1966. Petit à petit, notre auteur devint ambitieux, d’abord avec Les ailes de la nuit et Les profondeurs de la Terre : là, Silverberg s’attaque à dénoncer la colonisation via la science-fiction. Il offre ensuite à la génération hippie un trip métaphysique avec Le fils de l’homme et livre avec Les monades urbaines une étude hyperclinique d’un univers urbain de tours surpeuplés. En 1972, Notre auteur donne un livre magistral sur un télépathe en train de perdre son don, L’oreille interne, un des chefs d’œuvres de ce que la critique d’alors appelait la Speculative fiction. Au milieu des années 70, Silverberg arrête pourtant d’écrire, beaucoup croient alors à sa retraite: la publication du Château de Lord Valentin en 1979 le ramène de façon magistrale sur le devant de la scène, intégrant les thèmes développés dans les années 1965-75 dans un genre à la mode (la fantasy, vue sous un angle SF) et, malgré certains esprits chagrins, c’est une grande réussite.


Depuis le milieu des années 2000, Robert Silverberg a progressivement arrêté d’écrire et Glissement vers le bleu reprend en fait la première partie d’un projet commencé dans les années 80 et repris par Alvaro Zinos-Amaro. Il s’agit ici de raconter rien moins que la fin… de l’univers.


L’apocalypse selon saint Robert


Dans un très lointain futur, (la 777e année du 888e cycle de la 1111e circonvolution du Neuvième Mandala, c’est dire !), l’humanité (qui n’a plus la même forme qu’aujourd’hui) a colonisé une bonne partie de l’univers. Cependant, les scientifiques ont noté que cet univers se refroidissait petit à petit. Pire, une singularité est apparue qui aspire de plus en plus vite les planètes et les systèmes solaires. La Terre est bientôt menacée. C’est alors que débarque Hanoz Prime, roi démissionnaire de la planète Prime, venu sur Terre afin de rencontrer la belle Kaivilda. Sur Terre existe une prophétie selon laquelle un roi sans planète pourrait sauver la planète d’un grand péril : et si Hanosz était ce sauveur, capable de stopper la fin de l’univers, ce glissement vers le bleu qui menace l’humanité ?


Une dernière pirouette


« Hey-ho ! Hey-ho ! Elle est venue, l’heure de chanter la fin des temps ! »

La lecture de Glissement vers le bleu révèle un Silverberg proche des facéties d’un Sheckley (son presque contemporain), voire de l’humour d’un Lafferty, tellement la description de ces humains à l’apparence et aux mœurs si différentes (y compris dans leurs rapports disons intimes) amuse le lecteur. Son jeune acolyte, Alvaros Zinos-Amaro, livre ici un vrai exercice de style tellement son but ici est de prolonger l’histoire initiale de son aîné. Au final (et quel final, on pense vraiment, je me répète, au meilleur de Robert Sheckley et R.A.Lafferty), Glissement vers le bleu convainc et laisse aussi un goût amer dans la bouche : vraisemblablement, il s’agit d’un des derniers textes de Robert Silverberg mais qu’importe après tout : le Mandala continue !


Sylvain Bonnet


Robert Silverberg & Alvaro Zinos-Amaro, Glissement vers le bleu, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Eric Holstein, Editions ActuSF, Août 2015, 263 pages, 18 €

1 commentaire

Je ne connais pas ce type, mais ça donne envie...le genre sci-fi ne fait pas vraiment rigoler, d'habitude...