"Les lamentations du prépuce", par Shalom Auslander - félicitations, c'est un garçon !


 Prépuce or not prépuce : that is the question….

« Félicitations, c’est un garçon ! » Pas une si bonne nouvelle pour Shalom qui va devoir faire face à cette angoissante question : que doit-il faire du prépuce de son fils ? La question entourant ce petit bout de peau obnubile le narrateur et le renvoie à sa propre enfance et adolescence. Avant de devenir père, il doit régler la question de son passé et de sa propre relation avec son père et surtout avec le Divin.

Shalom Auslander rédige une biographie, qui est en réalité une autobiographie de son propre aveu, où il raconte son enfance et son adolescence à Monsey, une ville juive ultra-orthodoxe. Dès l’enfance, Shalom, (qui veut dire paix quelle ironie !) doit faire face à un Dieu vengeur et cruel, qui n’hésite pas à vous écraser à la moindre incartade comme une fourmi s’approchant trop près d’un piquenique casher !

Sur un ton acerbe et ironique, il raconte les règles strictes du Shabbat (ne pas s’asseoir dans l’herbe car cela est assimilé à de la teinture donc à du travail), l’apprentissage du guide des bénédictions alimentaires (angoissante question : quelle bénédiction pour une glace à cornet ???), le port des tsi-tsi, de la kippa même à la piscine, l’enseignement dans les yéchiva par des rabbins tyranniques… Bref de quoi semer le trouble chez un adolescent bourré d’hormones !

En plus de ces « violences théologiques », Shalom doit trouver sa place au sein d’une famille déjantée : un père alcoolique et injurieux, une mère juive dans les plus grandes règles de l’art usant de la culpabilisation comme d’un mixer. En bref, un adolescent presque comme les autres ! Il est déjà difficile de traverser l’adolescence mais si en plus on est juif cela relève parfois du parcours du combattant si l’on considère le poids de la culpabilité reposant sur les frêles épaules de l’ado biactolé !

La crise d’adolescence, la recherche de son identité, Shalom va les faire en se rebellant. Il faut désacraliser le père : rien de plus facile étant donné les mouvements d’humeur de ce dernier et sa collection de revues porno sans compter les sex toys de sa mère. Après le père, il défie Dieu le Père, les majeurs dressés et avec une familiarité déconcertante qui m’a fait mourir de rire.

Tout est bon pour allonger la liste de ses pêchés : allumer l’électricité pendant le Shabbat, faire une orgie de Slim fit, trief donc non casher, en volant dans les magasins, en reluquant des revues pornographiques et des femmes goys. Il se rebelle et attend le châtiment, se plaît à se torturer avec des scénarios catastrophes. Il doit donc lutter contre cette peur que sa famille et les rabbins lui ont fourré dans le crâne en lui racontant Ses tueries, Ses massacres, le Déluge, Sa capacité à dézinguer à tout va. Comme le dit Orly, l’épouse de Shalom, de quoi vous niquer la tête. Cette peur est d’ailleurs le point commun entre la plupart des croyants.

Comme beaucoup, Shalom Auslander a dû assumer sa religion, l’histoire de son peuple et sa famille : apprendre à être un individu à part entière en s’émancipant de son passé. Le point critique est la paternité ou la maternité, l’arrivée d’un enfant qui nous force à faire face à notre passé. D’où le désir de l’auteur de raconter son enfance avant qu’il ne devienne père. Cela aurait pu être ennuyeux, comme un « Dostoïevski avec un gueule de bois » (1) mais le ton acerbe et l’humour blasphématoire de cette histoire nous font passer un excellent moment.



Julie Lecanu


Shalom Auslander, les Lamentations du prépuce, 10/18, « domaine étranger », août 2009, 304 pages, 8,40 euros (Belfond, février 208, 306 pages, 19 euros)


 
 

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